bushpilot
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Bushpilot
23 – LP
God Unknown records 2020

God Unknown continue son travail d’exhumation. Et contrairement à ce qui a été dit à la fin de la précédente chronique de Already! publié un peu plus tôt dans l’année, 23 n’est pas un vrai nouvel album avec que du neuf à l’intérieur. C’est également de l’ancien retapé en 2018 et si ça s’appelle 23, c’est parce que ça faisait 23 années que ces bandes dormaient à l’abri des regards, depuis avril 95. Un enregistrement que le label Cherry Red aurait dû sortir à l’époque mais comme pour Already!, ce fût le donjon comme seule demeure.
Richard Formby (basse), Ross Holloway (chant) et Adrian Gans (guitare), trois des cinq membres de Bushpilot ont édité ces bandes sans presque y toucher, juste les optimiser pour être en phase avec son siècle, un second souffle permettant à ce disque enregistré dans des conditions live en studio de surmonter les années sans trop d’encombres. De fait, 23 sonne comme un disque spontané, où l’improvisation est importante, notamment sur le seul titre occupant toute la face B qui a donné son nom à l’album et qui dure la bagatelle de dix-neuf minutes et trente trois secondes précisément, sorte de longue jam instinctive. Ce que dément Ross Holloway : Les chansons ne sont pas des jams. Nous avons joué et rejoué les mêmes thèmes musicaux jusqu'à ce que des mouvements ou des arrangements organiques se présentent naturellement. Je pense aussi qu'il y a beaucoup de cœur dans la musique.
23, sorte de transe à la Can, influence chérie de Bushpilot, dans un esprit-post-punk tendu, sec et bizarrement mélancolique avec en face A, cinq titres au parfum singulier, trépidant et free, hypnotique mais qui semble vouloir s’échapper du cadre à chaque instant, un chant dont les phrases fonctionnent comme un mantra, un exutoire, des maux qu’il faut absolument expulser de son corps, jamais loin de la folie, des motifs répétitifs qui se désagrègent subitement, deux guitares imprévisibles, des riffs acérés autant que des notes dissipées pour un cheminement erratique qui suit pourtant une ligne droite que Bushpilot avait bien en tête, certains de la route à adopter. Et des fins de morceaux qui coupent net (I Have The Egg ou Sharp Fragment). C’est fortement surprenant comme si le groupe ne savait plus comment finir et qu’il fallait mieux taillé dans la chair sans se poser de questions.
Ce qui n’est donc pas le cas de la face B. Bushpilot ne s’est rien interdit, a laissé ouvert les micros et déroule un morceau qui durait à l’origine vingt-sept minutes et que Bushpilot a raccourci. Cela n’empêche pas des longueurs au bout de huit, neuf minutes mais Bushpilot arrive comme par miracle à maintenir l’intérêt en repartant de plus bel dans les affres d’un ensorcellement finement enfumé, une mélodie sinueuse, un kraut-rock qui n’a pas oublié le sens du mot intensité, une compo gentiment barrée à l’instar de cet album réussi, démontrant ainsi le talent particulier d’un groupe qui a très bien fait de se rappeler à notre souvenir.

SKX (29/11/2020)