bruges

Bruges
A Thread Of Light
Self-released 2020

Bruges de Chicago, c’est un nouveau chocolat qui se déguste frappé, un délice noise et radical dont la rubrique news de cette gazette s’était déjà fait les choux gras avec leurs deux précédentes cassettes, Demonstration en 2016 et An Erasure Of Form l’année dernière. Le premier album de ce groupe de la ville des vents n’a pas encore trouvé un support physique mais il est impossible d’attendre plus longtemps pour vous parler de A Thread Of Light, fantastique détonation angoissante et agonisante.
Un groupe qui s’est dit très influencé par Godflesh à ses débuts, qui s’amusait d’ailleurs à reprendre le morceau Jesu mais qui a parfaitement su développer son propre univers, empruntant également aux Swans son sens de la tension, de la répétition, de la lourdeur pour construire des morceaux sans cesse au bord du gouffre, créer le malaise, attiser les nerfs avec une ambiance oppressante mais aussi belle et aérée. Car l’album se nomme A Thread Of Light et de la lumière, Bruges en laisse habilement passer, la filtrant pour mieux mettre en relief les volumes et irradier leur musique qui ne manquera pas de vous brûler si vous approchez trop près. Chez Bruges, l’espace, le silence, le non-dit sont prépondérants. Chaque coup, chaque riff sont minutieusement préparés, assénés pour un impact maximal. Tout le monde est à sa place, carré et vibrant, prêt à cogner. Il n’est pas rare d’entendre un seul instrument occupé l’espace avant que les autres ne se greffent, disparaissent, reviennent avec plus de virulence, que l’adrénaline monte progressivement pour des explosions qui ne sont pas si fréquentes et surtout très maîtrisées. Une intensité sans cesse sous-jacente que Bruges mate magnifiquement. Des constructions originales où toutes les parties s’imbriquent comme dans un rêve. Ça donne des morceaux incroyables et percutants, s’étalant sur la durée pour bien imprégner les chairs. Et, le plus surprenant, des mélodies qui se dégagent du soufre, des riffs ou arpèges furieusement tranchants et salement accrocheurs (Layering ou Fading Patterns), une basse assassine comme sur Passive Forms avec Dylan Piskula (Den) ou les neuf minutes et quelques de Translucent. Sur ce titre qui file le frisson, Bruges démontre encore plus que son approche de la musique violente est singulière, préférant privilégier les climats, les travailler en profondeur, jouer sur les répétitions qui ne sont jamais vaines, donner de l’ampleur et presque du lyrisme à un bloc impressionnant qui semble inattaquable. Et le chant de Patrick Nordyke participe à cette impression de calme pénétrant. Il ne chante pas vraiment, ne parle pas non plus. Un entre-deux où il semble toujours sur le qui-vive, prêt à mordre, sûr de lui et des mots qu’il inflige et qui claquent sous sa langue, donnant ainsi encore plus de force et de conviction à un album dont chaque minute, chaque seconde vous accapare, vous hypnotise, vous rend encore un peu plus minuscule alors que A Thread Of Light est définitivement grand.

SKX (18/10/2020)