brainbombs
skrammel



Brainbombs
Cold Case – LP
Skrammel records 2020

Cold Case. Tout le contraire de Brainbombs, chaud comme la braise depuis 2016. Troisième album en cinq ans à peine, après un gros break en 2008. Brainbombs est donc loin d’être une affaire classée. Et pourtant, 1985, date de mise en service. On en a connu des moins solides. Comme pour ses prédécesseurs et fidèle à la ligne de conduite autiste des Suédois, Cold Case a déboulé par surprise, sans effet d’annonce, sans pub, sans tambour mais toujours avec la trompette, instrument fétiche de Brainbombs. Chez Brainbombs, la tradition, ça a du bon. Un groupe aussi versatile qu’une église au milieu du village. Alors forcément, chez ce genre de groupe, le moindre micro écart par rapport à l’orthodoxie inébranlable comme un petit livret rouge que Brainbombs a patiemment érigé depuis 35 ans est vécue comme une tectonique des plaques, magnitude 8 sur l’échelle de Richter.
Ce doux glissement de terrain dans le punk animal, garage minimal et noise aveuglément répétitive de Brainbombs se concrétise par une certaine propension à alléger la masse, à fendre l’armure et distiller un soupir insouciant comme une brise frivole sur les poils drus d’un bison. Il faut donc bien se mettre dans le sens du vent, ouvrir tous ses pores et le parfum de ce nouveau Brainbombs apparaîtra légèrement différent, l’essentiel étant qu’il soit toujours enivrant. Mais fais gaffe quand même où tu mets les pieds, le bison a un gros appétit.
L’épaisseur et la brutalité des riffs perdent des degrés au profit du perçant des cordes et un scalpel plus tranchant. Il est permis de percevoir comme une fragilité derrière les masques habituellement impassibles, une faille dans laquelle s’infiltre un soupçon de drame où le sang et le foutre n’auraient pas le premier rôle. Jusqu’aux titres ne désignant plus une violence frontale. I Love You All, c’est quand même pas la même tambouille que Kill Them All. Lost In The Past, Trust, Shadows, It Was Easy, c’est une autre poésie que Lipstick On My Dick, Turn To Shit ou Queen Of Necrophiles.
Alors oui, toute la répétitivité maladive, le chant détaché de Peter Råberg qui semble de plus en plus pâle jusqu’à l’effacement, les bribes sporadiques d’une trompette soufflant ces derniers instants sur terre et flottant déjà à l’état de fantôme, l’abus de wah-wah jusqu’à l’overdose sur I Am Cocaine, le malaise persistant et le désespoir latent d’un groupe qui a toujours su bien fait comprendre la merde dans laquelle on tentait de survivre, toutes ces joyeuseries se retrouvent sur Cold Case comme un bon pour le service. Et plus si affinités.
Cold Case dure près d’une heure, chaque titre tourne autour des cinq minutes. Le dossier est lourd. Ta ration de Brainbombs tu auras. Jusqu’à l’épuisement. Mais pas avant d’avoir mordu la poussière sur I Love You All qui sent l’abandon, la chute que ça en devient beau, trépigner de bonheur sur In Pain, goûter l’acuité de riffs mortellement basiques que ça en devient indécent, retrouver l’odeur de la peur sur The Return Of The Ripper avec de grandes zébrures d’une guitare chaotique et un groove obsédant, reprendre son souffle sur Lost In The Past et terminer dans le rouge sur Die, Dead, Death terriblement abrasif comme au bon vieux temps, comme un dernier pied de nez à tout ce qui vient d’être dit et que de toute façon, Brainbombs n’en a strictement rien à foutre de ce que tu peux penser. Cold Case, preuve que la joie est encore de ce monde.

SKX (31/03/2020)