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A Shape
Iron Pourpre – CD
Jelodanti/Atypeek/Araki records 2020

Après le bleu nuité d’Inlands, A Shape oppose le rouge d’un feu qui couve, un dégradé incendiaire enflammant un second album qui tourne Iron Pourpre. Ce qui ne change pas fondamentalement l’énergie libérée. Le groupe partagé entre Paris et Toulouse continue de battre le fer d’un noise-rock passionné, fiévreux et troublé. Mais c’est un cran au-dessus, dans la consistance, l’épaisseur du propos, dans la capacité à vous malmener dans les méandres de morceaux encore plus ambitieux tout en agrandissant l’incision. A Shape, une forme mouvante et agitée qui ne dit pas son nom et vous ensevelit dans ses entrailles.
Foisonnement sonique, dissonances coupantes, un son comme une forêt dense et grouillante, A Shape avance à l’unisson. Chaque instrument grignote l’espace sans déborder sur celui du voisin, créant cette impression permanente d’être envelopper dans une marée ondulante et bouillonnante de décibels provoquant de multiples tragédies. Un enchevêtrement, des éclairs qui traversent un amas ne manquant pas de clarté, des fractures, de la violence contenue ou qui éclate pour laisser des lambeaux de tourment et des frissons de désolation, Iron Pourpre travaille au corps et ébranle les neurones.
Ça vit là-dedans, ça fracasse les repères, vous passez par des flots d’émotions très changeants à l’instar de l’accidenté Echoes sur lequel intervient Philippe Thiphaine à la guitare, retrouvant ainsi l’espace d’un titre splendide Sasha Andres (chant), les deux ayant faits les grands jours d’Heliogabale. Et des moments épiques et magnétiques, Iron Pourpre n’en manque pas. Les six minutes de Crave, Black Mamba abrasif et piquant ou encore Lungs avec le saxophone alto de Quentin Rollet (rappelez-vous Prohibition et co-fondateur du label Rectangle), un invité de marque qui, sur toute la seconde partie du disque, augmente la dose de folie sur cinq morceaux (dont un avec un Korg Monotron sur Random Error), souffle sur les braises ou apaise les sens pour un disque qui gagne en relief et en profondeur.
Iron Pourpre, un disque dans lequel il est bon de se perdre, se laisser guider par le chant très expressif qui montre le chemin des émotions – et elles sont innombrables, se faire cisailler par la guitare rougeoyante, fragmentée et écorchée d’Eric Pasquiet qui tord les mélodies et bataille dans un même élan avec la section rythmique tout aussi imprévisible et haletante (Mat Le Gouge à la basse et un nouveau batteur, Anthony Serina). Iron Pourpre, un disque qui n’a de cesse de révéler de nouvelles perspectives à chaque écoute, de nouvelles richesses, de s’inscrire dans votre cortex sensitif. Iron Pourpre, un disque déroutant, sauvage et réfléchi à la fois, qui, au bout de ses structures protéiformes et son canevas intriqué, débouche sur des compos acérées et percutantes, une lumière qui irradie bien plus que n’importe quel rouge et se montre littéralement dévorant.

SKX (10/09/2020)