tunic
selfsabotage






Tunic
Complexion – LP
Self Sabotage records 2019

Le fait d’aborder pour la première fois la longueur d’un album ne change strictement rien pour Tunic. Le trio canadien aborde chaque morceau comme si c’était un sprint. Complexion est donc une collection de onze titres taillés comme pour des singles, format que Tunic a déjà utilisé trois fois en plus d’un split récent avec Blessed qui est très bon mais dont l’énorme désavantage est de n’exister que dans le monde virtuel. Onze titres courts – le disque violacé tourne d’ailleurs en 45 tours – sans que le groupe ne cherche à penser cet enregistrement comme un album avec des contrastes, des pauses, des variantes. C’est l’urgence même, tout d’un bloc, à fond dans le rouge, l’uppercut dans le foie. C’est sa principale force et sa principale faiblesse. Mais bordel, que c’est bon !
La première écoute passe comme un éclair, en apnée. Il faut remettre plusieurs fois l’ouvrage sur la platine pour que l’incendie commence à se propager, pour que ses flammèches viennent lécher l’arrière-train qui a pourtant l’habitude de se faire réchauffer au doux bruit du punk-noise sauvage et en apprécier tous les menus détails qui alimentent le brasier. La comparaison avec Metz tient toujours mais Tunic en offre une présentation encore plus rêche, écorchée, punk, allant férocement à l’essentiel, le riff minimal mais en mode lance-flamme, une rythmique fracassante qui enfonce tout ce qui bouge et même ce qui ne bouge pas et un chant au papier émeri qui n’arrête pas de montrer sa colère. Pas de développement donc, de refrains aguicheurs, encore moins de facilités mais des riffs trépidants qui révèlent toute leur phosphorescence au fil des écoutes. Il faut juste être aux aguets, mettre le doigt dans le bon engrenage tout de suite et là, c’est le bonheur, vous êtes happés par cette machine qui délivre son chapelet de bombes ultra abrasives et frontales.
Arriver à vous emballer en une minute et deux secondes sur Getting Sick puis vous jeter comme un malpropre avant la conclusion, enchaîner l’opération de multiples fois et vous faire avoir à chaque fois comme un vulgaire cœur d’artichaut, ce n’est pas donné à tout le monde. Tunic le fait sur chaque titre, sauf sur Sand et Paper qui font office d’interludes pas nécessaires (ou alors c’était leur seule concession à ce qu’on appelle une respiration musicale), y compris quand le saxophone est de sortie sur Pores avec l’invité Eric Roberts ou sur Frontal Lobe pendant lequel on croirait entendre deux batteries.
C’est presque frustrant de ne pas pouvoir en entendre plus, de voir ces morceaux s’éteindre aussi rapidement car ils possèdent en eux des germes autrement plus incendiaires à l’instar de Empty Handed ou Dry Heave qui, du haut de leurs trois petites minutes, donnent une dimension encore plus intense et captivante à Tunic. Mais c’est aussi tout le sel de Complexion, l’insoutenable urgence d’un disque dont le seul remède est de l’écouter en boucle jusqu’à explosion des sinus. Tunic réussit son examen de passage chez les grands. En mode tornade et point de non-retour.

SKX (14/02/2019)