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Taiwan Housing Project
Sub-Language Trustees – LP
Ever/Never records 2019

Taiwan Housing Project, c’est une certaine idée de la villégiature, un constat à l’amiable entre personnes courtoises, terminé les ballonnements, tu humes à plein poumons le grand air frais de la vie. Le morceau ouvrant l’album nommé Charitable Fiend devrait suffire à savoir si tu es aptes à passer ce cap fondamental de ton nouveau destin, si tu es capable de supporter ce déferlement toxique inondant le micro, qui le dévore littéralement, longuement et minutieusement et recrache un flot de furie furieuse option cracheuse de feu.
Sub-Language Trustees est le second album de ce groupe de Philadelphie. Il ne prend pas en traite, il plante tout de suite le décor et il n’est pas en carton-pâte. Ce qui suit serait presque à l’avenant. Taiwan Housing Project, c’est être de suite dans l’œil du cyclone. Une tempête no-wave avec un saxophone sur le pied de guerre, un vacarme infernal, le vent de face et une monstrueuse gueulante de la chanteuse Kilynn Lunsford en maîtresse de cérémonie. Avec le guitariste Mark Feehan comme compagnon de mauvais coups, lui qui avait déjà beaucoup donné en la matière au sein de Harry Pussy dans les années 90. Le sens de l’anarchie, de la guitare en roue libre, il le transmet sans problème à sa partenaire de jeu qui ne demandait qu’à s’enflammer.
Et ce qui est bien avec ce disque et qui est du coup encore plus intéressant que le premier (Veblen Death Mask sur Kill Rock Stars en 2017), c’est que l’augmentation de la violence, de l’abrasion et du niveau général du chaos s’accompagne d’un cadrage rythmique plus clairvoyant (la basse de Cameron Haaly alors que le poste de batteur se partage entre trois personnes), des roulements primitifs martelants une cadence expressément définie, des structures de morceaux aux contours solides à l’intérieur desquels la folie peut s’exprimer sans s’auto-consumer à l’instar de l’excellent Universal Size. La contagion no-wave transpire alors le rock concassé façon Boss Hog mettant une rouste aux premiers Sonic Youth.
Kilynn Lunsford qui tâte aussi de la guitare peut alors montrer toute l’étendue de ses talents vocales qui ne sont parfois que cris désordonnés, vocalises improvisées de poupée diabolique (le bien nommé Wilderness Doll), de sa sauvagerie naturelle avec laquelle elle joue comme avec une souris, une vraie rage consciente qu’elle dompte de manière déconcertante sauf quand elle enregistre une bande de gosses criant de leurs petites voix inhumaines au tout début de Buy Buy Buy (attention les tympans, vous êtes prévenus).
Les compos titubent, convulsent, râpent le sol avec un indéniable instinct pour filer la fièvre au rock’n’roll, lui asséner un groove provocant, le secouer, l’emmener au bord du gouffre, rajouter une couche de cuivres, de percussions, de triturations sales et malsaines, de stridences, faire en sorte qu’on ne comprenne plus rien au scénario mais que la fin soit toujours scotchante, inattendue et jamais décevante. Taiwan Housing Project fait trembler les fondations mais la visite vaut largement le détour et offre de magnifiques perspectives.

SKX (28/10/2019)