spelterini
kythibong


Spelterini
Pergélisol/Chorémanie – LP
Kythibong records 2019

Deux Papier Tigre sur trois dont un qui a officié chez Room 204. Deux (feu) Chausse-Trappe sur quatre. De La Colonie De Vacances qui forcément s’immisce là-dedans. Ça donne Spelterini, une équation 100% famille nantaise chapeautée par le daron du coin, le label Kythibong. Mais s’il ne fallait retenir qu’un seul de ces noms, c’est Chausse-Trappe qui se placerait largement en tête. Deux morceaux. Pergélisol et Chorémanie, deux mots savants dont je vous laisse chercher par vous-mêmes la signification si vous voulez mourir moins bêtes. Un par face. Quinze minutes dans les gencives à chaque fois. Comme Chausse-Trappe, Spelterini adore les immenses étendues instrumentales, les mesures qui se répètent, l’eau qui frémit dans la marmite, la porter à ébullition et voir ce qui se passe. Car contrairement à Chausse-Trappe – et la comparaison s’arrêtera là – Spelterini ne s’en remet pas à un seul long plan hypnotique, à un mantra frénétique finissant dans une gerbe de feu aveuglante avec d’infimes glissements.
Si le mouvement répétitif est important, l’approche est également plus expérimentale, fracturée et variée. Autour d’un classique guitare fois deux, basse, batterie agrémenté de synthés, le quatuor se lance dans une course effrénée pour mieux la stopper, dérègle les structures, perturbe les sonorités, déforme le champ sonore pour mieux retomber sur ses pattes. L’ennui est toujours le danger qui guette ce genre de concept à rallonge. Spelterini adopte à la funambule américaine qui a inspiré leur nom son art de l’équilibre au-dessus d’un puits vertigineux de possibles problèmes et franchit les obstacles pour relier sûrement la terre ferme sans perdre l’auditeur en route dans un gouffre abscons et monotone.
La nervosité, l’allant, des coups plus appuyés, les deux guitares qui tissent des liens, dialoguent pour enrichir la matière, de la tension, Spelterini ne se contente pas de dérouler un fil linéaire. Hormis un passage trop longuet sur Pergélisol (drones, larsens, freeture et rythmique aléatoire) après un début palpitant qui reprendra sur la toute fin, ce premier enregistrement tient parfaitement en haleine. Notamment sur Chorémanie, morceau plus abouti et travaillé en studio sur trois mois alors que Pergélisol a pris naissance et corps pendant les concerts. Spelterini démontre qu’il est possible de faire très répétitif et éclaté en même temps, de peaufiner un son de guitare qui ne ressemble pas vraiment à des guitares mais se révèle ensorcelant, de casser le rythme mais pas le dynamisme général, de fricoter avec les triturations sonores, d’expérimenter et rendre l’exercice beau et spectral, d’apporter une épaisseur noise et rock sans suivre la trame habituelle, bref, écrire une très belle pièce de musique ambitieuse et fracassante qui laisse augurer d’une suite très alléchante.

SKX (25/10/2019)