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MoE
La Bufa – CD
Conrad Sound 2019

Cinquième album de MoE depuis 2011, le dixième si tous les albums collaboratifs ou plus expérimentaux de la série Oslo Janus sont comptés. Le trio norvégien est du genre prolifique, ne cesse de tourner autour du globe pour répandre sa glorieuse musique et La Bufa est fortement marqué par leurs nombreux périples au Mexique où il a d’ailleurs été enregistré avec aussi la participation de Danishta Rivero sur deux morceaux. C’est d’ailleurs dans le costume folklorique de là-bas que les trois MoE s’amusent à poser en faisant le poirier. Une coutume locale ? Mais rassurez-vous, pas un poil de mariachis à l’horizon dans la musique de MoE. Håvard Skaset (guitare, synthé), Joachim Heibe Johansen (batterie/percussions) et Guro Skumsnes Moe (basse, chant) continuent de labourer les tympans avec du noise-rock de haute volée.
Une musique qui se présente de plus en plus directe et spontanée. Lors du précédent album Examination Of The Eye Of A Horse, MoE avançait sans sourciller que c’était leur album le plus pop. Ce qui était bien sûr faux. Comme il serait tout aussi inexact d’appliquer ce terme à La Bufa. Ce n’est pas encore aujourd’hui que vous sifflerez les chansons de MoE sous la douche. Mais La Bufa tend vers une musique plus instinctive, pour ne pas dire punk à l’instar du formidable titre qui ouvre l’album, Sex Is A Lie. Moe a déjà eu l’occasion de montrer une approche franche du collier avec Paris et Tephra sur les précédents enregistrements mais le trio franchit un palier supplémentaire dans l’accessibilité instantanée à son répertoire. Un titre entraînant, subtilement répétitif, une basse mordante, un motif de guitare obsédant et ce qu’il faut de convulsions et de dureté pour en faire un hymne irrésistible. Comme un forcené qui n’aurait cesse de se jeter contre un mur et finirait par l’abattre.
C’est le morceau phare de La Bufa donnant le ton de l’album. Un disque aux compos plus brèves. À part War qui dépasse tout juste les six minutes, MoE concentre son tir. Recherche d’impact grandissant pour combustion immédiate. L’articulation des morceaux est également différente. MoE s’accorde des pauses. Freak avec seulement le chant maléfique de la bassiste et un drone dans le fond, Fanfare qui sert d’introduction à Survival, Hit Me ou The Clown pour conclure le disque et semble être la continuité de Freak sont autant de titres pouvant être pris comme des interludes mais n’en sont pas véritablement. Dans un premier temps, ils cassent la dynamique d’ensemble avant de s’intégrer peu à peu dans le paysage sans non plus lui apporter un plus. Ça sera le seul bémol d’un album qui par ailleurs brise la nuque et réchauffe le corps. Moe inflige du gaillardement charpenté et du granitique, de la brutalité dans un écrin de velours (Santa Rosa), de la lourdeur vénéneuse donnant envie de s’arracher la peau car la tension palpable ne se montre pas vraiment, tord les boyaux, vous met au supplice (Survival). Et quand elle éclate, elle prend la forme de Like A Bandit Who Came Upon A Traveler, magnifique chevauchée à bride abattue qui se prend des vents violents sur les bordures et des triturations sonores pour perturber les sens comme sur de nombreux autres titres. Ensuite, c’est la guerre. Mais une guerre sourde. War préfère jouer avec les nerfs, une guerre d’usure plutôt que frontale, c’est le retour de la tension qui excite encore plus les nerfs sans les libérer. Délicieusement sadique. Et puis, toujours ce désir de frapper les esprits promptement, sans round d’observation, insuffler une dynamique cyclique tout de suite prenante et tournoyante (Scum, How Does It Feel ?).
Moe reste Moe tout en bougeant sensiblement la donne, démontrant de nouveaux atouts dans son jeu qui ne font que magnifier leur musique et écrire sa légende. Et viva Mexico !

SKX (08/04/2019)