moe
conradsound




Moe
Oslo Janus (IV) - CD
Conrad Sound 2019

Moe, le Janus norvégien. Deux têtes, deux visions. On connaît celles des albums dits classique de Moe dont le cinquième La Bufa sort dans quelques semaines et qui a toute notre dévouée attention. Et vous avez la face noire, expérimentale et improvisée. Elle est connue sous le nom de Oslo Janus. Une série qui avait débuté normalement en 2013 par un album tout ce qu’il y a de plus fortement recommandable. Puis elle a pris la tangente en 2016 avec Oslo Janus III qui était en fait le numéro deux et se poursuit avec Oslo Janus IV qui est donc le numéro trois de la série. A partir de là, c’est strictement réservé à un public averti, quand vous n’avez pas peur que les oreilles saignent et bourdonnent pendant de longues minutes en vous demandant si c’est la musique ou l’aspirateur qui déconne.
Si le III était particulièrement ardu, le IV voit pourtant poindre une embellie dans l’accessibilité à l’obscurantisme épisodique du trio norvégien. Enregistré pendant une et une seule journée, mixage compris, avant leur tout dernier concert lors de leur tournée en Australie avec leurs potes de Dead, dans un studio dédié à l’analogie et au vintage, Oslo Janus IV a donné du fil à retordre à l’ingé son local peu habitué à voir débarquer trois personnes à l’apparence normale faire autant de bordel avec des amplis crachant le feu de l’enfer. Et un titre qui se nomme Bendigo Blues et dont certains accords rappellent effectivement le blues n’a sûrement rien fait pour amadouer le gars derrière la console.
C’est un album de free-noise mais sans les longues couches bruitistes et difformes du précédent. Le chant de la bassiste est plus régulièrement présent, dans son expression la plus dingue. La plupart des morceaux semblent avoir un début et une fin. Moe y glisse un semblant de rock, de rythmes, de la basse qui cogne, de la tension à l’instar du répétitif et aliénant Strip Club, voir stressant avec ce riff de guitare qui bloque sur le même accord pendant sept minutes ou Perfect Swag qui aurait pu figurer sur un album à part entière de Moe. Sans oublier la foudre qui s’abat, des allers-retours en mode torgnole chaotique, un cheminement erratique à l’issue incertaine, c’est un disque spontanée, un disque plein de freeture qui doit autant au jazz qu’à la noise. Le genre indomptable que beaucoup ne voudront pas, même de loin, chercher à monter. Oslo Janus IV, malgré toute la difficulté de l’entreprise, sait cependant se montrer parfois sous un visage intéressant, offrant un nouveau volet de la série qui demande à être creusé et fera plaisir aux fans ultimes des Norvégiens.
Et si dans le genre expérimental, vous avez encore des envies, sachez qu’en 2018, Moe a également collaboré avec The Observatory, groupe de Singapore, avec l’album Shadows ou, encore plus extrême, avec Lasse Marhaug et le disque Capsaicin, foutrement noise et épicé jusqu’à la mort par étouffement sous les nappes de bruits dantesques.

SKX (21/03/2019)