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Mistress Bomb H
Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud – LP
Kerviniou/Bruits de Fond records 2018

Say It Loud : I’m Girl And I’m Proud est un détournement autant qu’un hommage au Say It Loud : I’m Black And I’m Proud de James Brown, pochette comprise. A chacun-e son combat. Celui de James Brown dure toujours, hélas. Celui de Mistress Bomb H dure depuis toujours, hélas. Alors c’est coup de pied dans les couilles, les miennes en première ligne, secouer le cocotier, faire tomber les carcans, gagner du terrain, patience, détermination et Mistress Bomb H en experte.
Quatre ans après le split avec Jessica 93 et six après l’explosion de la bombe orange en 9 Pictures, la lutte continue. Le visuel style kung-fu dans ta face pouvait laisser supposer que l’industrial breakcore trituré à l’electro-noise de la Mistress allait monté d’un cran dans l’échelle de la violence. Dans une certaine mesure, oui. Par le message asséné, simple et virulent. Par le slogan I’m Girl And I’m Proud sur le morceau du même titre, répété encore et encore pour bien te l’enfoncer dans le crane si jamais tu avais encore un doute. Idem avec macho world craché sur Macho. Et des morceaux dont on ne saisit pas les paroles mais les titres suffisent. Destroyer, Jungle Queen et MLFMBH et sa vidéo en honneur de toute la gente féminine qui s’est distinguée au fil des siècles. De la bonne violence.

Par contre, musicalement, la virulence sonore ne saute plus à la gorge. Mistress Bomb H n’a pas surenchéri dans le découpage des rythmes et le vitriol sonique. Rien de tel qu’un brin de douceur et de mélodies pour faire passer le message. La musique reste mordante, acide, rythmiquement pointu et tordu. Elle est aussi plus coulante, harmonieuse. Les samples (plus nombreux et recherchés) d’une chorale féminine à l’aura mystique sur MLFMBH ou d’une mélodie exotique/arabisante sur I’m Girl And I’m Proud vampirisent les neurones autant qu’ils les aèrent. L’étrange onirisme du troublant Reverse Matter se prolonge sur le splendide Jungle Queen avec son gimmick de piano entêtant et ses nappes envoûtantes. Une guitare en pointillé apparaît à plusieurs reprises pour dessiner des contours subtils. Un chant qui vient plus du cœur que des tripes. Ces six titres amènent un éclairage nouveau à la panoplie de la Mistress. Les contrastes entre les rythmiques breakcore et des mélodies plus présentes, entre les machines et l’organique accentuent l’impact des compos se démarquant ainsi les unes des autres, gagnant en personnalité et en pertinence. La musique s’enrichit de multiples trouvailles et de curious sounds everywhere fourmillants, qui s’agrippent, s’entrechoquent pour former un tout cohérent.
L’electro sans concession au service de morceaux plus humains. C’est traversé de part en part par une beauté nouvelle, une chaleur bleue teintée d’une sourde mélancolie avec un bout de nerf coincé dans les jointures qui enrichissent et diversifient le propos. Le coup de pied leste et en avant mais tout en self-control et classe.
Oui, Mistress Bomb H peut le dire haut et fort et être fière de son disque.

SKX (26/04/2019)