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Membranes
What Nature Gives… Nature Takes Away – 2xLPs
Cherry Red records 2019

Second album de la seconde vie de Membranes, groupe anglais qui avait cessé toutes activités en 1989. Quatre ans après le splendide double album Dark Matter/Dark Energy, Membranes refait le coup du double disque chargé jusqu’à la glotte. Seize titres, soixante-douze minutes. Les vieux sont en très grande forme. Et après la noire matière et la noire énergie, il n’est pas difficile de deviner le thème de ce nouveau disque, il suffit de lire le titre de l’album. What Nature Gives… Nature Takes Away. Pas de second degré, pas de métaphore. Ça cause nature, sa sauvage beauté, sa laideur cruelle, des puissantes forces qui l’animent et des droits qu’elle finira par reprendre indubitablement quand l’homme l’aura trop saccager. Un thème qui n’étonnera personne quand on connaît le coté engagé de Membranes et son leader John Robb. Mais c’est dit poétiquement, à coup d’images évocatrices et d’émotions sombres et prophétiques soulevées par des mots pouvant être interprétés à plusieurs niveaux. Et à l’instar des visuels des pochettes des deux albums, il est toujours question de lumière et de ténèbres, de bien et de mal, d’énergies invisibles et impénétrables avec cette fois-ci une peinture de Valentine Cameron Prinsep. Au premier contact de l’hiver, l’été s’évanouit.
Chaque face porte le nom d’une saison et la face Spring nous plonge directement dans un bain d’espoir avec le BIMM Choir Manchester sur A Strange Perfume. Une chorale omniprésente qui est pour Robb comme avoir le clavier le plus humain qui soit. Je leur chantais les mélodies et la chorale les a transformées en or. Les voix humaines représentent le son le plus élevé que nous, simples mortels, pouvons créer. Pourtant, c'est toujours une sorte de punk rock, mais à notre façon. Nous avons toujours une basse lourde et une batterie tapageuse. Nous ne faisons qu’entrechoquer tous ces sons et créer des atmosphères qui nous sont propres. Cela a toujours été le but du punk rock.
Un punk-rock unique donc avec des tourbillons de sonorités, d’ambiances, de sensations qui vous tombent dessus comme une tempête d’automne. Si la chorale est la lumière, la basse très Joy Division siffle des jours plus durs. L’humeur passe sans cesse d’envolées célestes portées par la diversité des chants à un post-punk sombre, d’un long dub tordu et rampant (The Ghosts Of Winter Stalk This Land) à une virée vicieuse et rock’n’rollesque à la Penthouse (A Murder Of Crows). Le blanc et le noir se côtoient au sein des compositions, symboles d’une nature en perpétuel conflit, sa splendeur et sa fureur. Des climats secs, des mélodies qui coulent, des contrastes comme des saisons qui se succèdent, des effets brumeux pour flirter avec un psychédélisme étrange et mélancolique, des déchaînements rythmiques alors que les voix s’élèvent (Deep In The Forest Where The Memories Linger), des arrangements au millimètre avec la présence d’un mellotron, d’un moog et de nombreux invités pour le chant, élément prépondérant de ce nouveau disque, vous l’aurez compris. La chanteuse folk anglaise de 84 printemps Shirley Collins déclame un poème sur A Murmuration Of Starlings On Blackpool Pier. Mais aussi Kirk Brandon (Theatre Of Hate), l’icône punk Jordan (Adam And The Ants), Chris Packham ou Simon Ding Archer (Red Lorry Yellow Lorry, The Fall) ont apporté leur pierre à un édifice dont John Robb dit avoir mis toute sa vie dedans.
Comme pour l’album précédent, c’est un album dense, épique, ambitieux, inventif qu’une multitude d’écoutes ne suffit pas à faire le tour. Mais il peut aussi s’écouter d’une manière très spontanée, se prendre à la suite sans chercher à comprendre une succession de morceaux qui rockent, qui accrochent et séduisent durablement, une musique puissante, élégante, bruyante, lyrique et âpre, des morceaux qui vous pètent à la gueule et vous remuent de l’intérieur. C’est pas tous les jours qu’on rencontre ce genre de groupe se lançant dans de tels disques semblant d’un autre âge, avec une thématique, une envie de s’exprimer, de partager une vision et des émotions, un début et une fin, un disque pensé comme un tout et qui fini par vous englober. What Nature Gives… Nature Takes Away alors profitez-en bien avant de redevenir poussière.

SKX (13/11/2019)