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Little Ugly Girls
s/t – LP
Chapter Music records 2018

Il est temps de sortir Little Ugly Girls au grand jour. Trente ans que ce groupe Australien existe. Il a fallu attendre 2018 pour voir leur premier album publié. Un groupe originaire de la scène d'Hobart (Tasmanie) qui n'a toujours pas fini de nous délivrer ses secrets bien cachés (au hasard, The Stickmen et Sea Scouts faisaient partie de cette secte). Little Ugly Girls a réalisé plusieurs cassettes que vous pouvez écouter en cherchant un peu sur cette page d'archives, poussant le vice jusqu'à éditer un CD-r trois titres parce que c'était jour de fête mais rien d'autre, quedal, nada. Alors à part vivre sur cette île du bout du monde et assister à une de leurs apparitions épisodiques (des premières parties tout de même de Fugazi, Bikini Kill et White Stripes), aucune chance d'entendre parler de Little Ugly Girls.
L'erreur est désormais réparée avec ce premier album comprenant douze morceaux écrits entre 1995 et 2016. Une musique qui ne transpire pas des élans mélodiques noisy teintés de spleen si chers aux groupes d'Hobart ou des aspirations fortement rock'n'roll qui ont fait la renommée de l'Australie. Little Ugly Girls, c'est du punk-noise enragé dont le pendant se trouverait aux USA avec Bar-B-Q-Killers, Jack'O'Nuts ou Jaks et comme point commun évident, outre de pratiquer un boucan âpre et jouissif, le fait d'avoir une hurleuse en chef qui prend beaucoup de place. Linda Johnson est de cette trempe. Elle est à l'avant, elle mène la danse, déverse sa bile en continu, se tord, fulmine, vit intensément chaque mot, chaque syllabe qu'elle éructe. Il faut bien ça pour porter à bout de poumons la charge noise qui pousse derrière.
Une musique qui possède une allure furieusement basique et violemment convulsive, comme si Little Ugly Girls était capable de se montrer dans son plus simple appareil, nu et cru tout en regorgeant de mille détonations à l'intérieur, de multiples aspérités rendant la compréhension pas aussi simple que cela en avait l'air de prime abord. Des bouts de mélodies saccagées mais bien présentes sont là, notamment dans les lignes de chant, des morceaux qui sortent de l'ornière de leur brutalité naturelle grâce à des riffs incisifs, des trouvailles piquantes permettant au morceau de décoller et une section rythmique redoutable et carnassière qui ne cesse de se distinguer, de vous envoyer dans les cordes avec une basse idéalement lourde et distordue comme chez n'importe quel groupe noise qui se respecte. A fortiori quand la guitare est absente comme sur Storm After Storm où c'est uniquement un duel batterie contre chant. Et quand tout ça n'a pas lieu d'être, Little Ugly Girls passe en force, balaie tout sur son passage, furie inarrêtable brûlant tout ce qui bouge.
Entre compos brèves, grondantes et tapageuses et plans plus élaborés et vicieux trouvant leur point d'orgue dans les cinq minutes de l'épique Vinegar (la comptine Boxen-Hooda-Hayda en toute dernière position ne compte pas vraiment), ce premier album (et n'espérons pas l'ultime maintenant qu'ils sont enfin lancés) est une sacré révélation. Le fait qu'elle ait mise autant de temps à arriver jusqu'à nos tympans avec une histoire singulière la rend encore plus belle.

SKX (10/01/2019)