lisabö
bidehuts






Lisabö
Eta Edertasunaren Lorratzetan Biluztu Ginen – LP+CD
Bidehuts records 2018

Sept ans. Sept longues années que Lisabö n’avait pas donné de ses nouvelles, depuis un Animalia Lotsatuen Putzua grandiose. Ce qui n’a rien de surprenant quand on connaît la discrétion des Basques. Toujours très peu de concerts, une présence sur internet qui confine au néant (sur leur facebook qui n’a pas vu de message depuis 2009, leur site renvoie toujours à une adresse myspace) et rien que pour ça, on serait enclin à les adorer. Chaque nouveau disque est donc comme un évènement et une très bonne nouvelle, la confirmation que Lisabö existe toujours.
Et les années n’ont pas de prise sur ce groupe. Pas le genre à se renouveler, encore moins à suivre les modes mais plus sûrement ce que leur cœur leur dicte. Un son que les sept Lisabö ont profondément en eux et qu’ils renouvellent à merveille sur ce cinquième album signifiant Et suivant Les Traces De La Beauté Nous Nous Sommes Déshabillés. Immuable et poétique Lisabö qui continue de publier des disques très sobres esthétiquement avec un livret contenant toutes les paroles basques traduites en espagnol, anglais et français.
Un groupe n’hésitant pas à se mettre à nu et telle est leur musique. A fleur de peau, vibrante, torturée et tumultueuse. Seulement sept compositions dont une courte introduction mais jamais Lisabö ne manque de souffle sur ces longs développements. Jamais de baisse de tension, jamais de déchaînement cyclonique mais une fragilité adroitement entretenue, une tension qui ne faiblit pas, une lave en perpétuelle instabilité et une urgence rougeoyante comme une vague incessante se fracassant sur les rochers, farouche usure qui finit par vous faire fondre.
Un noise-rock fortement émotionnel (merci de ne pas utiliser le terme post-rock, ça serait une injure) pour lequel Lisabö semble avoir poussé les boutons encore un peu plus loin dans le rouge tout en augmentant la dose de mélodie. Cela donne des morceaux âprement épiques, très denses mais aussi très lumineux. Deux batteries, deux guitares, deux basses, imaginez le chantier. Alors quand tout ce joli monde se plie en deux sur son instrument respectif, se laisse aller, se laisse emporter par tant de rage et de frustration contenues, mouline, tape, transpire, se transcende comme s’ils formaient une seule entité, un bras armé, ça donne des morceaux incroyables comme Olio Tantak Ezpainetan (Gouttes d’Huile d’Olive Sur Vos Lèvres) ou Oroimena Galdu Aurretik Idatzi Gabeko Gutuna (j’adore recopier les titres en basque, ça prend deux plombes, on ne pige absolument pas un seul mot même en essayant de deviner comme là, La Lettre Non Écrite Avant De Perdre La Mémoire) qui mettent sur le carreau, vous vide de votre propre colère. Lisabö multiplie les passages noisy/bruitistes proches du chaos pour mieux mettre en valeur de subtiles mélodies électrisantes, se lancent dans de grandes courses effrénées pour faire durer le plaisir pour une frénésie ne débouchant jamais sur une impasse à l’instar de Amuz Inguratuta (Entouré d’Hameçons), très Gerda dans l’esprit, de par la tension poignante à couper au couteau maintenue pendant de longues minutes. Hegaldiaren Etenaldian (Pendant L’interruption Du Vol) est aussi une brillante démonstration de leur tour de force, frisant l’asphyxie mais également vous transportant littéralement vers des contrées gorgées de chaleur et d’une intense mélancolie au bout de quasi neuf minutes heurtées.
Quand Lisabö augmente le niveau de bordel et le niveau de beauté, c’est tous les astres qui s’alignent pour former un album passionnant et rare. Comme à chaque fois que Lisabö sort un disque. Ça fait vingt ans que ça dure et il serait temps de s’en apercevoir. Mais pour ça, la balle est aussi dans leur camp et comme Lisabö n’est pas du genre joueur...

SKX (14/05/2019)