lightningbolt
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Lightning Bolt
Sonic Citadel – 2xLPs
Thrill Jockey records 2019

Sonic Citadel, un titre d’album très approprié pour Lightning Bolt. Le nom du huitième album du duo de Providence, soit vingt ans exactement après le premier sur Load records, résume la carrière du groupe. Une citadelle sonore imposante, une place forte du noise-rock option transe bruitiste du haut de laquelle le duo s’est parfois cassé la gueule avant de retrouver avec le précédent album Fantasy Empire le chemin de la reconquête.
Une citadelle retrouvant non seulement de la consistance mais avec un panel sonore plus riche, plus varié, offrant des alternatives, des fortifications imprenables, des portes de secours et des points de vue plus inattendus. Mais avec toujours cet amour inconsidéré de bombarder tout ce qui passe à portée de tir. La patte Lightning Bolt est là et bien là. Le fond de commerce sur lequel s’est construite la citadelle de Brian Gibson (basse) et Brian Chippendale (batterie/chant) est indestructible. Exubérance et débauche de dissonances, une pile atomique en guise de cœur pour actionner les multiples bras du batteur, l’enchevêtrement des lignes de basses dopées par des secrets de fabrication d’un bassiste hors-norme, la chaos qui guette, la démence qui bave, la confusion mentale qui peut s’emparer de tout être normalement constitué en étant confronté trop longuement à la musique de Lightning Bolt.

Sur Sonic Citadel une nouvelle fois mis en boite aux studios Machines With Magnets par Keith Souza et Seth Manchester pour retranscrire au mieux toute la puissance et le foisonnement de Lightning Bolt, plus d’un morceau ont cette capacité de vous mettre la tête à l’envers. Couplé à une inspiration retrouvée, le duo présente des compos parmi les plus violentes et frénétiques, allant au-delà des limites tout en gardant le contrôle et un entrain communicatif pour donner envie de tout péter. Big Banger qui arrache tout, Tom Thump qui cogne tout et de nombreux passages sur des morceaux souvent longs sont de cette trempe. Et qui se font battre à plate couture par les neuf minutes de Van Halen 2049. Mais ce titre est hors-catégorie. Le duo pour ce titre final a quitté la stratosphère et ne s’adresse plus qu’aux aliens. Panique dans les foyers ou comment Lightning Bolt retranscrit le big-bang originel sans donner la formule mais en lâchant les fauves pour engloutir la terre entière.

Sonic Citadel, c’est aussi un album où Lightning Bolt écrit ses morceaux les plus mélodiques. Une attention aussi touchante que surprenante. Que ce soit le chant de Chippendale (génialement débile sur USA Is A Psycho) ou la basse de Gibson, le duo innove en insufflant un vent pop sur leur noise sulfurique, des gimmicks entêtants au milieu de la fureur, des couloirs tapissés de bruits retors qui s’illuminent et s’ouvrent à des figures plus harmonieuses. Je ne sais pas si Hüsker Dön’t sent l’hommage ou pas mais c’est une piste à creuser et jamais le duo n’avait fait aussi épique. Dans leur style si caractéristique certes mais l’intention est présente et ne se cache carrément pas sur le mal nommé All Insane, titre le plus évident quant aux intentions d’ouverture du groupe. On aurait également pu citer l’excellent Air Conditionning qui ne manque effectivement pas de fraîcheur, Halloween 3 malgré une digression momentanée du bassiste qui fait un peu peur alors que Don Heley In The Park est une respiration singulière avec un bassiste qui fait sonner son instrument comme un banjo électrifié et une mélodie s’envolant dans les affres d’un psychédélisme bucolique que le batteur tente pourtant de malmener.
Lightning Bolt ne se restreint plus à une approche unique, diversifie son axe du bruit, pimente son jeu, s’amuse, multiplie les sonorités sans se montrer brouillon et ça lui va à ravir. Et comme Gibson à retrouver du mordant avec une basse qui met le feu plus d’une fois entre lignes joyeusement régressives ou turgescentes, le sens du mot rock dans leur orgie décibellique, cela donne un disque confirmant que Lightning Bolt est unique, en grande forme et définitivement de retour. Comme en 2003 à l’époque de Wonderful Rainbow d’ailleurs réédité cette année par Thrill Jockey, mais en étant différent et toujours aussi pertinent. J’en suis le premier surpris.

SKX (10/10/2019)