louisjucker
hummus
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Louis
Jucker
Kråkeslottet LP
Hummus records 2019
Kråkeslottet, cest du norvégien et ça
veut dire le château du corbeau. En fait, une ancienne usine à
poisson sur lîle de Senja, au-dessus du cercle polaire, transformée
en centre culturel sur pilotis. Louis Jucker (Coilguns, Autisti et bien
dautres projets) a résidé dans ce bout du monde, pour
des vacances avec son frère afin dadmirer les aurores boréales
tout en sachant que des instruments traînaient dans les parages.
Armé de son enregistreur et de deux micros quil avait soigneusement
embarqué dans sa valise avec sûrement plein didées
derrière la tête connaissant lhyper activité/créativité
du personnage, il a utilisé toutes les ressources naturelles de
Kråkeslottet pour réaliser un album.
Uniquement composé dinstruments acoustiques avec quelques
overdubs plus tard à Lausanne pour le chant, Kråkeslottet
est un album avec de la guitare aux cordes en nylon, de lharmonium,
du piano, une cithare, un poêle pour taper dessus, une machine à
écrire et en point dorgue, un os de baleine qui orne aussi
la pochette. Toute une quincaillerie qui à de quoi rendre méfiant.
Mais le bonhomme est du genre iconoclaste et talentueux. Il évite
lécueil du disque qui se regarde le nombril, du folkeux hurlant
son désespoir sous les étoiles glaciales ou du disque très
expérimental qui aurait pu devenir rapidement hermétique
pour lextérieur.
Au contraire, Louis Jucker dessine des atmosphères crépusculaires
plus dune fois fortement séduisantes. Il crée des
esquisses de morceaux où le coup de crayon se laisse entendre,
des croquis inachevés avec ses imperfections, des titres qui passent,
saisis sur le moment, impressionnistes, des chansons fêlées
qui tiennent dans un équilibre précaire. Un sentiment de
fragilité renforcé par les conditions denregistrement.
Les micros dans une pièce en bois, on y entend les grincements
du plancher ou des rires denfants. Dans la nature, le vent réfrigérant
glisse sur les touches du piano. Les portes ouvertes pour Jucker de léglise
dà coté et cest son orgue qui se retrouve en
boite avec lacoustique du lieu si spécifique. La machine
à écrire fait office de boite à rythmes. Le moteur
dun engin quelconque agit comme un rythme venu de nulle part. Le
Suisse construit ses compos en accord avec le milieu dans lequel il évolue
et les outils quil maîtrise pleinement. Cest minimaliste
mais il en tire le meilleur. Il peut ainsi laisser libre cours à
ses sensations, se laisser aller, se fondre dans le décor pour
écrire de subtiles mélodies qui restent le cur de
louvrage et non lhabillage sonore qui nest là
que pour servir les compos.
Il chante, susurre du bout des lèvres (toujours difficile de penser
que cest le même mec qui hurle dans Coilguns) comme pour ne
pas déranger son environnement. Des titres qui flottent, harmonieux,
hantés, vulnérables, sombrement aériens, tristes,
plus enlevés comme Seagazer, plus grave comme le sublime
Backfrom The Mine ou un Storage Tricks qui peut faire penser
à du Nick Drake du grand nord et terminer avec Merry Dancers
qui plomberait nimporte quelle ambiance alors quil ne fait
que rendre encore plus attachant et poignant un album qui se dévoile
peu à peu. Et qui sécoute comme il a été
composé. En solitaire pour mieux sen imprégner et
apprécier ce moment fugace qui va rester en mémoire.
SKX (31/03/2019)
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