drool
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Drool
Drool II LP
Born Yesterday records 2019
Born Yesterday semble se spécialiser dans les groupes inclassables.
Après les fantastiques Landowner,
le label de Chicago réalise le premier album de Drool, un duo ne
rentrant également dans aucune case précise. Drool évoque
pourtant dautres noms, nous met sur la trace de groupes du passé
(et il va en être question), prend parfois le chemin dun courant
musical connu mais il ne fait que les effleurer, vague sentiment lointain
imprécis qui séchappe. Drool finit par ne ressembler
quà lui-même.
Hersh D. Chabra (chant/guitare) et Ben Leach (chant/batterie) sont aussi
de Chicago mais ne se réfèrent pas à dautres
figures emblématiques de la ville qui ont fait les grandes heures
du noise-rock. A défaut de dire à quoi ressemble le duo,
on peut déjà dire à quoi il ne ressemble pas. Dailleurs,
noise-rock nest pas une étiquette qui leur va. Lambiance
nest pas aussi saturée, agressive ou convulsive.
Drool II ne manque pourtant pas de tension, de dissonances et dagitation.
Drool sait aussi jouer à léconomie, sur une corde
raide, le moindre riff minimaliste faisant office de feu dartifice.
A ce propos, la guitare nest pas solitaire. Dautres effets,
bruitages, boucles de guitare sans arriver à identifier exactement
la source sèment le trouble et enrichissent les morceaux, densifient
les mélodies que le duo parsèment généreusement.
Mais Drool peut aussi se faire sec, froid, détaché, suggérant
une affiliation avec Spray Paint. Forcément, le morceau daprès
contredit cette impression. Drool devient alerte, percutant et les cousins
anglais et noisy de McLusky sinvitent au bal.
Des compos qui se font courtes dans lensemble mais se permettent
aussi de vagabonder au-delà des cinq minutes à trois reprises.
Tour à tour spontanés, excités, apaisés, sous
tension ou répétitifs, à la limite du chaos ou séteignant
doucement dans un long drone vaporeux, les douze morceaux survolent les
champs du post-punk, de lindie-rock tordu et décalé
dans lesprit dun Polvo, un rock-noisy et ludique ou un répertoire
plus sombre, bruitiste et expérimental comme sur White Shah.
Un titre qui avait débuté normalement et gaillardement avant
de brusquement sarrêter et proposer pendant de longues minutes
un étrange brouet de triturations sonores senfonçant
dans la léthargie et brisant la dynamique. Sur le génial
Shoes, les sept minutes se terminent aussi bizarrement. Après
une mélodie répétitive et entêtante, Drool
plaque tout et la musique semble séloigner peu à peu
alors que vous restez dans la pièce comme un con à attendre
que ça revienne. Et pour couronner le tout, une autre référence
vient à lesprit, Joy Division. Surprenant mais je ne peux
mempêcher dy penser à plusieurs reprises comme
sur Tokens. Quelque chose dans cette voix grave, quelque chose
qui flotte dans lair.
Alors dit comme ça, cet album a lair un grand fourre-tout
et pourtant, il est extrêmement cohérent. Les compos se succèdent
sans forcer, simbriquent, se complètent et bénéficient
surtout à chaque fois dune accroche mémorable, dun
gimmick obsédant qui flingue les neurones, entraînant jusquau
bout des rotules et qui sont le signe des grands albums. Une inspiration
largement au-dessus de la moyenne pour un groupe savamment singulier.
SKX (06/05/2019)
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