drahla
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Drahla
Useless Coordinates – LP
Captured Tracks records 2019

A vrai dire, je le sentais pas trop ce premier album de Drahla. En dépit de précédents singles très favorablement accueillis. Un mauvais pressentiment. Comme un glissement de terrain vers quelque chose de plus consensuel, plus lisse qui guettait ce jeune trio au bord de la hype. Je ferais mieux de me couper le petit doigt.
Le groupe de Leeds n’a pas cherché à édulcorer son propos. J’allais même avancer, bien au contraire. Mais faut pas exagérer. Drahla ne s’est pas mis à hurler à la lune la bave aux lèvres en mettant un bordel d’enfer. Le fond de commerce reste le post-punk à la dimension minimaliste et mélodique. Et Drahla le fait pencher du bon coté de la balance. En rajoutant un peu de noirceur, un peu d’angles, du nerf, des expérimentations. Et un embauchant quasi à temps plein le saxophoniste Chris Duffin pour un zeste de freeture et de désordre dans des compositions généralement précises et concises.
Car Drahla demeure une machine à pondre des accroches, une facilité déconcertante pour ciseler sans surcharger des chansons pop à la base, subtilement déformées pour sortir de l’ombre sans forcer, sans être tape-à-l’œil et tilter avec bienveillance dans le ciboulot. Il fallait donc savoir les aiguillonner, les bousculer, ne pas leur rendre la vie facile, les sortir d’un cadre trop planifié, apporter des éclats finement dissonants, un peu d’imprévu avec le saxo, des trépidations dans la batterie, mettre du mordant dans la basse ronde de Luciel Brown qui même dans son chant n’est pas aussi enjôleuse qu’il y paraît, dérégler les structures comme sur React/Revolt, morceau le plus long, personnel et prenant de ce premier album. Ou quand Drahla flirte avec le chaos tout en le contenant.
C’est d’ailleurs ce qui peut irriter chez Drahla, son paradoxe. Malgré tout le caractère fort séduisant des morceaux, c’est un groupe qui ne s’abandonne jamais vraiment, n’explose pas, toujours à la recherche de l’harmonieux, de l’équilibre, une image sage, arty, une retenue, une certaine froideur/distance alors qu’on sent qu’il suffirait d’un rien pour que ces compos nous emportent vraiment, brûlent d’un feu plus ardent, qu’il manque un souffle de dinguerie, de lâcher-prise pour pleinement adhérer à cet album bien que des efforts ont été faits dans ce sens là. Le temps d’un single, c’est parfait. Sur la longueur d’un album, comme une certaine monotonie est susceptible de s’installer, un défaut d’allant qui fait qu’il est possible de se lasser trop rapidement de cet enregistrement. En attendant, profitez. Useless Coordinates, c’est dix morceaux, rien à jeter et surtout beaucoup de promesses.

SKX (23/09/2019)