brutalist

Brutalist
s/t – CD
Self-released records 2019

Rien de plus frustrant et désolant de découvrir un groupe alors qu’il vient de se séparer. Surtout et essentiellement quand ce groupe se révèle colossal. Brutalist, tentative de groupe mort-né, projet parallèle ou cours de récréation, appelez ça comme bon vous semble, de membres de Knut : Roderic Mounir (batterie), Christian Valleise (qui a aussi joué dans Impure Wilhelmina), Tim Robert-Charrue, membre également de Commodor comme Adriano Perlini qui est le dernier larron de Brutalist. Et brutale, cette musique l’est. Jusqu’au vertige, jusqu’ à l’éblouissement.
Cinq titres enregistrés live en deux fois entre décembre 2016 et juillet 2017 (d’où une différence de son avec New Light et Instant Magique ne bénéficiant pas d’un traitement sonore aussi idéal et vigoureux que les trois autres), mixés et mastérisés tardivement, plus d’un an après, cinq titres qui n’attendaient que ça, se libérer d’un espace trop étroit, exploser à la face du monde, formidable source d’énergie noire autant rédemptrice que punitive.
On retrouve beaucoup de Knut dans Brutalist, en version instrumentale mais aussi bien plus, différemment. Une machine à broyer. Broyer des riffs, broyer des rythmes, encore et encore, répéter, hacher, basse corpulente, assourdissante et un batteur monstrueux qui pulvérise son instrument. Une machine qui met la pression sans cesse, empruntant des souterrains angoissants, une tension enfermée dans un labyrinthe qui ne peut aboutir qu’à une impasse pour finalement trouver le jour sous une lumière imposante et aveuglante qui vous irradie.
Car ce qui rend ces longues compos encore plus magnétiques, c’est la dimension quasi symphonique qu’elles prennent, une sorte d’emphase sans démesure qui les rendent puissamment aériennes, un souffle imposant et frénétique qui balaie tout sur son passage. Même quand c’est sauvagement intense sur Cobra, que votre tête est un punching-ball ballotté par une incroyable joute rythmique couplée à des riffs hyper saignants lancés sur l’autoroute de l’enfer, urgent à en crever, Brutalist conserve une lucidité de grands fauves, clair, impérieux, magistral, finissant par faire décoller la tête plutôt que défoncer le crane.
Piton et Trabajo laissent littéralement sur le carreau au bout de sept minutes suffocantes, savamment répétitives mais aux ruptures démoniaques, avec toujours cette rythmique de malade martelant par-dessus les stridences des guitares et des sonorités angoissantes d’un synthé alors que Instant Magique se révèle le morceau le plus déchiqueté et agonisant.
Brutalist présente ce disque comme une démo, un témoignage sur le vif mais c’est bien un disque à part entière qui aurait mérité meilleur sort qu’une sortie confidentielle sur un CD dans un modeste bout de carton. Un carton d’ailleurs épuisé. Croisons les doigts pour que Brutalist represse d’autres exemplaires, pourquoi pas en vinyle tant qu’à faire et surtout, surtout, que Brutalist n’arrête pas là, ça serait criminel.

SKX (08/05/2019)