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The Austerity Program
Bible Songs 1 – LP
Controlled Burn records 2019

En cinq ans, la devise n’a pas changé. Toujours la même phrase sur le sticker. Ou presque. The two men and one drum machine band that still refuses to die. The Austerity Program s’accroche. Toujours là. A son rythme. Et plus vivant que jamais. Un sticker qui parle aussi de colère de Dieu et que point de salut il y aura. Mais s’il doit être question de colère, d’une monumentale colère, c’est celle du duo new-yorkais. Jamais The Austerity Program n’avait sonné aussi violemment, outrageusement puissant, déclenché la foudre s’abattant sur nos frêles épaules de pécheurs en un éclair terrassant. Et qui n’est presque rien comparé à leur prestation en concert. C’est dire. En tournée récemment pendant une semaine avec Sumac en Europe, le Hellfest n’avait pas daigné inviter The Austerity Program, contrairement à Sumac. Rennes et Kfuel ont sauté sur l’occasion. Le samedi 22 juin au Mondo Bizarro, en compagnie de Computerstaat et Ex Fulgur, le duo et sa boite à rythmes ont offert un concert dantesque. Ce disque et ce concert ne peuvent aller l’un sans l’autre, liés pour l’éternité dans ma mémoire retournée et ravagée par tant de fureur et d’urgence.

Et par la rencontre avec deux personnages adorables, soucieuses des personnes qu’ils rencontrent. Difficile d’imaginer que ce sont les deux mêmes qui mettent le feu à la scène avec Thad Calabrese en mode bassiste forgeron imperturbable et Justin Foley dans le rôle du prédicateur fou et possédé. Et possédé, Bible Songs 1 l’est aussi. Six morceaux, seulement six serait-on tenté d’ajouter et c’est le seul défaut de ce disque, avec des textes basés sur les passages les plus sanguinaires et rebutants de l’Ancien Testament. Et qui nous vaut pour la première fois dans la discographie du duo, des morceaux avec de vrais titres et pas seulement désignés par des numéros qui restent présents cependant. You, motherfuckers, your blood will soak the ground.
Bible Songs 1 est un bombardement impitoyable, une boite à rythme régulièrement réglée au-delà de 150 bpm, un déversement de bile à faire passer Big Black pour de la salsa, jusque dans l’attaque de guitare de Ezekiel 39:17-20 qui rappelle combien Albini savait être mordant mais que Austerity Program explose dans les grandes largeurs. Et quand The Austerity Program ralentit la cadence sur Numbers 31:13-18, c’est pour asséner un monstrueux et colossal rythme à faire vaciller les murs de Jéricho plus sûrement qu’un bataillon de trompettes. Assourdissant et très impressionnant.
La présence à la tête du pays d’un milliardaire orangé et la porte ouverte à des extrémités qui font peur ont entamé le moral de Austerity Program mais la réponse est cinglante. Tout ici respire à plein poumons la rage, un immense courroux, la baston, la résistance. Il faut voir sur scène l’interprétation sur scène de 2 Kings 25:1-7 pour comprendre la vague incendiaire traversant ce nouveau visage de Austerity Program. Un chanteur-guitariste en transe, un regard de tueur, des riffs guitare-basse qui cassent la nuque en deux à l’unisson, une boite à rythmes qui s’affolent, un souffle qui emporte tout, la folie qui s’empare des enceintes, le tout avec une précision diabolique malgré la chaos qui menace et se terminant par un oh fuck majestueux de la part de Justin Foley habité par la compo et qui n’en peut plus d’autant d’intensité. Et nous, impitoyables, on en redemande.
Car ce disque et ce concert sont sauvagement bons. Il ne faudrait pas que ça s’arrête. Chaque morceau est accompagné d’un riff perçant, ensorcelant, d’une ligne de basse qui rentre dans le bide, d’une rythmique en mode orgues de Staline, d’un chant à fleur de peau. Les cassures sont d’autant plus remarquables, les émotions brutes et ténébreuses d’autant plus belles, la montée d’adrénaline sur Samuel 6:16-23 d’autant plus épique avec cette guitare qui tente de sonner le glas du pardon.
The Austerity Program surprend, va sur un terrain sur lequel il n’était pas spécialement attendu tout en continuant de faire du Austerity Program et c’est une énorme décharge dans la tronche, de la pure agression faite avec intelligence et une grande maestria. Il est indiqué sur l’insert que This is the first of two records. Alors vivement, vivement la suite et que le duo revienne saccager l’Europe quand il veut. Le temps d’un disque et d’une soirée, le messie s’appelait The Austerity Program.

SKX (28/06/2019)