aseethe
thrilljockey







Aseethe
Throes – LP
Thrill Jockey records 2019

Tu la vois cette grosse boule de feu dégueulasse qui va écraser cette paisible ville ? C’est exactement la sensation procurée par l’écoute de Throes, troisième album d’Aseethe, trio d’Iowa City, au fur et à mesure que les cinq titres défilent et enflent dans les enceintes. C’est aussi une métaphore de la merde qui tombe par paquet de douze sur une partie des Américains rejetant la politique de leur président adoré et autres extrémismes aux idées très courtes et qui font réagir ce groupe toujours très engagé dans ses paroles. Par extension, cette boule noire peut aussi être vu comme la colère d’Aseethe pour faire bouger les bien-pensants et les endormis. Et elle est monumentale. Massive. Un trou noir qui avale tout sur son passage. Un fléau pour mieux repartir.
Le premier morceau qui a donné son nom à l’album pourrait évoquer Godflesh avec ce riff perçant mais avec Aseethe, il ne faut pas s’attendre à du groove mortel. L’intention est doom. Et minimaliste. C’est outrageusement lourd, c’est extrêmement répétitif. Et c’est faussement lent. Parce que sous ce carcan punitif, cette puissance démoniaque enregistrée par Shane Hochstetler dans les studios d’Albini, Aseethe a réussi à créer une incroyable tension. Les murs tremblent à chaque coup de massue du batteur Eric Diercks mais Throes possède une texture riche, détaillée pour rendre les déflagrations encore plus immenses. Ça respire, ça vibre. L’impression de répétitivité s’estompe au profit d’une architecture subtilement mouvante. L’intensité va crescendo, douloureusement grandissante sans jamais vraiment exploser. Ça en devient beau, urgent à l’instar des dix minutes de To Victory qui ont débuté par de délicats arpèges pour finir dans une hypnose abrasive qui rend aveugle.
Au milieu de l’album, Aseethe a placé Suffocating Burden, une histoire de drone et de gong pour soit-disant reprendre son souffle alors que la suffocation ne fait qu’augmenter, l’inquiétude prendre de l’ampleur devant cette boule de suif se nourrissant de toutes les saletés ambiantes et populistes. C’est un leurre.
Aseethe, c’est de la trempe de Sumac, une purge agressive et funeste à qui le format court va également très bien (les cinq minutes de Realm) et démontrant qu’un cœur bat là dessous, du virilement poignant avec le jeu du double chant velu/plus aiguë et hargneux entre le guitariste Brian Barr et le bassiste nouveau venu Noah Koester donnant de la profondeur au trio.
Sous les dehors de bêtes infréquentables, Aseethe séduit certes par cette brutalité assourdissante et primaire mais se distingue surtout sur la longueur par cette capacité à vous captiver par des compos possédant de la chair palpitante et saignante, irriguant une violente émotion déchirante. La colère a du bon.

SKX (10/07/2019)