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Zëro
Ain't That Mayhem ? - 2xLPs
Ici, d'ailleurs records 2018


Il faut toujours laisser du temps à un disque de Zëro pour que toutes ses effluves apparaissent, lui laisser une chance de conquérir votre petit cœur battant. Alors quand en plus c'est un double album de près de soixante minutes, ça peut prendre beaucoup de temps. Mais là, il faut bien rendre sa copie et ce disque me rend perplexe. Un disque capable de me laisser de marbre, qui me glisse dessus sans laisser de traces. Un disque pourtant beau, agréable dans son ensemble avec quelques passages qui font frissonner l'épiderme. C'est tout le paradoxe de Zëro, le résumé en quatorze actes d'une discographie qui joue aux montagnes russes. Jusque sur un même album.
Ain't That Mayhem ? est donc susceptible de vous envoûter et également de vous endormir. A l'instar parait-il (je me suis abstenu étant vacciné des concerts de Zëro...) de leur venue en juin dernier pour les 20 ans du Jardin Moderne à Rennes qui a captivé l'audience au début avant de vider peu à peu mais sûrement la salle aux trois quarts. Ain't That Mayhem ? présente un symptôme similaire. Le premier vinyle est bien meilleur que les faces C et D. Excepté un We Blew It répétitif qui se contente de peu mais chez qui la trompette fait tout ou Alligator Wine, une reprise de Screamin' Jay Hawkins, voir San Francisco 2 qui est le prolongement du morceau instrumental du même nom de l'album précédent en lui donnant cette fois-ci la parole, Ain't That Mayhem ? ne tient pas la distance. De grosses chutes de tension, des absences, du pilotage automatique ou tout est très et trop en place. On aurait aimé que Zëro nous surprenne, nous bouscule, lâche les amarres à l'instar de leur single de reprises de James Brown.
Ain't That Mayhem ? me rappelle cette définition sarcastique du post-rock lue je ne sais plus où : qui ne sait pas rocker. Oui, ce disque où le chant est très peu présent cherche à sculpter des ambiances, hypnotiser par de sombres climats mais au final ne fait pas de vague, est majoritairement lisse, manque de niaque, d'intensité. Ce n'est pas nouveau chez Zëro. Sur l'épaisseur d'un double album, ça s'entend encore plus. Les morceaux sont élégants mais souvent creux, élaborés avec le talent qu'on leur connaît mais ne dégageant qu'un intérêt poli, ne provoquant aucune émotion particulière. Heureusement, Ain't That Mayhem ? met en évidence quelques pépites brillants plus vivement. Marathon Woman, Under Frequencies au bon souvenir de Bästard, le bien nommé Deranged qui aurait dû être le leitmotiv du groupe ou encore le nerveux Fake From The Start et tout le début du long The Kung-Fu Song. Rajoutez quelques menues trouvailles ici et là pour mettre un peu de piment, des arrangements subtils pour rehausser l'éclat et l'album trouve de l'intérêt. Mais n'enlève rien de cette maudite perplexité.
Ain't That Mayhem ?
Non, ce n'est pas le bordel. Hélas. C'est juste un disque de Zëro trop long, qui fait un bruit dans les clous et s'écoute sans forcer.

SKX (26/08/2018)