tor
truthseeker
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Tor
Too Happy LP
Truthseeker records 2018
Too Happy. Tellement heureux que ce disque donne envie de se jeter
tout habillé dans le premier trou d'eau venu avec une enclume attachée
à la cheville. Heureusement qu'on voit ces trois Anglais au verso
de la pochette se tenant par les épaules et rigolards sinon il
serait permis de sérieusement sinquiéter pour leur
santé mentale. Too Happy est le premier véritable
album de Tor mais le troisième si on compte les deux formats précédents
douteux (cassette et numérique). Un vinyle accouchant de sept titres
dépouillés, ancrés dans le désespoir et qui
s'en amuseraient presque avec des paroles pleines d'un sarcasme très
britannique.
Avec Tor, la foudre ne s'abat jamais. Tor, c'est la famille Slint et Codeine
sans les explosions. Les morceaux se succèdent dans une fluidité
confondante, offrant très peu de nuances, se jouant sur une tonalité
identique. Comme une longue et interminable chute au ralenti. Ne comptez
pas sur Tor pour s'énerver. La tension est sur un fil ténu.
Tor semble pouvoir s'effondrer à chaque instant. Le chant plus
parlé, murmuré n'est jamais loin de craquer. La dépression
guette. Et pourtant, Too Happy tient. Du miracle peut-être
mais surtout le coup.
Ce qui est joué est aussi important que ce qui n'est pas dit. Les
notes sont peu nombreuses. Le moindre détail, le moindre arrangement
deviennent primordiaux. Chaque coup de baguette, chaque arpège
sont essentiels. Et c'est de ce fragile équilibre, de cette équation
à l'économie que Too Happy arrive à diffuser
du bonheur. La caisse claire claque. La guitare brise le verre. La basse
résonne des tréfonds du vide. Le son est parfaitement blanc,
net, tranchant, grave. Les mélancoliques mélodies vous retournent
en douceur. La tristesse profonde se transforme en une beauté blafarde.
Le silence fait plus de bruit que des larsens. La plus minime augmentation
d'intensité se fait tout de suite remarquer et ressemble à
une détonation. Avec des pics comme I'm A Goth, Too Happy
Too Live (quand on vous disait que ce groupe respire la joie de vivre)
ou Whale légèrement plus agité que la moyenne
qui, il est vrai, est très faible. La sourde tension crépite,
la mélodie éclaire la nuit, une très lente déflagration
se répand et on s'en prend plein la gueule sans pratiquement un
mot plus haut que l'autre. La puissance ne vient pas des instruments,
elle est grandement émotionnelle.
Il est possible de trouver parfois le temps un peu long. Il faut de la
patience pour que ce lent et faussement paisible venin fasse son effet,
percute notre esprit cotonneux. On aimerait que toute cette frustration
contenue éclate au grand jour de temps à autre mais c'est
une musique assez singulière, dérangeante et cruellement
prenante. Oui, vraiment trop content. Tellement content que je vais aller
me pendre.
SKX (03/10/2018)
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