sumac
thrilljockey


Sumac
Love In Shadow – 2xLPs
Thrill Jockey records 2018

Respirer profondément. Nouvelle plongée dans les entrailles de la bête. Sumac publie son troisième album qui promet l'amour dans l'ombre. Il ne faudra pas oublier toutes les souffrances et les sacrifices qui vont avec. Mais la délivrance sera au bout. Ou ça sera le bûcher.
Love In Shadow, montagne étourdissante et assourdissante en haut de laquelle il est permis de se sentir invincible. Quatre titres plus longs qu'une nuit polaire. Toutes personnes familières avec les disques de Sumac savent que l'écoute est une épreuve de force, le mont Golgotha avec un rab de clous et de coups de fouet mais cette fois-ci, le trio a surpassé tous nos espoirs. Un véritable miracle s'est produit, un festival de chairs rouges vifs, de tripes bouillonnantes et un cœur plus gros que ça qui bat là-dessous, c'était plus inattendu. A croire que la fréquentation du vénéré maître japonais Keiji Haino leur a fait le plus grand bien.
Il en ressort un disque ouvert à tous les vents des extrêmes et les brises les plus poignantes. Quand Aaron Turner sort sa voix d'animal blessé et son orgue à la fin des vingt-deux minutes de The Task, ça vous arracherait presque une larme. Sumac déploie un large arsenal pour vous mettre genoux à terre. Sumac ne s'était jamais montré aussi féroce et aussi fragile. Des sentiments très variés dans des morceaux tour à tour méchamment carrés ou des passages comme improvisés. Piétiner ou oxygéner. C'est bestial ou profondément mélancolique. Sumac ne s'est jamais senti aussi libre de faire ce qu'il veut.
Une dynamique parfaitement affûtée. Groove monstrueusement lourd et pénétrant, une brutalité sans nom, un carnage austère, des échappées free et bruitiste, tension abrupte ou allant crescendo, des finesses à la guitare qui répandent le feu, une énorme basse distordue qui vous embroche sur le mur à l'instar du début répétitif de Arcing Silver, une voix qui a vu la mort en face, des accords majeurs et célestes pour mettre un pansement sur les lésions et conférer une aura aussi mélodique que lumineuse, des moments qu'il est possible de qualifier de beau.
Jamais morceaux qui durent des plombes n'auront passer aussi vite. Des compos qui vivent, se réinventent, multiplient les idées, se découpent pour mieux se retrouver. Constructions impressionnantes ne forçant jamais leur destin mais imposant leur autorité naturellement. Sumac a trouvé son propre langage, transcendé toutes ses influences et offre avec Love In Shadow une débauche de sentiments contradictoires et passionnants, un spectacle fondamental. Très grand disque.

SKX (09/10/2018)