mangeferraille
poutrage
atrdr
tendresse


Mange Ferraille
s/t LP
Poutrage/Tendresse/A Tant Rêver Du Roi records 2017

Mange Ferraille te ferait bouffer n'importe quoi. Des boulons, du béton et surtout des titres répétitifs à n'en plus finir et très longs, vu qu'il faut de sept à dix-sept minutes pour mettre fin à leurs trois compos. Bon appétit. Et bon courage surtout. Le pire, c'est qu'à la fin du repas, on en redemande.
Mange Ferraille est un trio de Tours. Mais c'est à une autre ville qu'il fait penser. Nantes. Parce qu'un ancien For Damage y figure (Anthony Fleury à la basse et orgue, les deux autres étant Thibault Florent, guitare et Étienne Zemniak, batterie) et surtout parce que ce trio fait songer à un autre groupe spécialiste en mantra infini, feu Chausse Trappe.
Mais la transe infligée par Mange Ferraille est autrement plus brutale, distante, écorchée et angoissante. Rien que Rayon Vert qui occupe toute la face A, je ne le souhaite pas à mon pire ennemi. La batterie fait un bruit de viande froide. Guitare et basse font un bruit de morgue. L'orgue-drone répand une onde maléfique. Le morceau ne bouge pas pendant de très longues minutes. Mais on est pris comme un hérisson dans les phares d'une bagnole, hypnotisé par le rythme tribal, par l'épaisseur grise de la texture sonore qu'on peut presque toucher du doigt, par la mécanique implacable de cette poutre enfoncée inlassablement dans une tectonique des structures prête à exploser à n'importe quel moment. Rayon Vert ne fait pas jaillir la foudre des entrailles, elle reste dangereusement en équilibre, sous tension même si sur la fin, Mange Ferraille est à un doigt de tout envoyer valser. Monstrueux.
Face B, Mange Ferraille condense sa force de frappe. Les dégâts n'en sont que plus méchants. Monument aurait des faux airs de Deity Guns et sur Lame d'Aiguille, le trio atteint son apothéose. Deux titres où la chair malaxée est plus bruyante, changeante tout en restant emprunte de minimalisme maladif. Les sonorités de la basse vous rentre dans le lard et c'est un délice. Le cœur d'une usine se met en branle, les poulies couinent et les chaînes aliènent. La cadence de Lame d'Aiguille s'accélère franchement, basse et guitare charcutent, cisaillent. La notion de transe s'éteint. Mange Ferraille envahit le terrain d'un noise-rock puissant, lourd, spasmodique et c'est totale réussite.
Mange Ferraille ne cherche pas à plaire, à rendre sa transe avenante pour te faire danser toute la nuit avec un sourire béat. Mange Ferraille veut juste te bouffer tout cru. Je suis prêt à payer l'addition quelque soit le prix.

SKX (10/06/2018)