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Don Aman
Starving – CD
Urgence Disk records 2018


Si mon fantasme a toujours été d'être pompier à Paimpont, cette naïve et sobre illustration d'une maison en feu de Marie Llanéza a quelque chose de troublant. A l'instar de la musique de Don Aman. Simple, touchante, accueillante mais qui peut soudainement exploser, devenir acide, se répandre dans des espaces plus alarmants et confus.
L'effet de surprise n'est pourtant pas de mise puisque Tricératops avait précédemment défricher le terrain. Avec Starving, le trio dijonnais explore un peu plus le clair-obscur, se fait moins noisy, un relief sans autant de contrastes, travaillant au scalpel des lignes de crêtes arrondies mais ne manquant pas de piquant. Mélancolique, intimiste, belles mélodies douces-amères avec juste ce qu'il faut de nerf pour crépiter dans la brume du matin. Starving passe un cran au-dessus dans l'art de sculpter avec finesse, concision et classe des morceaux tour à tour insaisissables, entre deux rives ou plus carrés et rythmiques ne demandant qu'à se déchaîner mais qui restent dans la retenue.
Les sonorités guitare-basse résonnent dans une gravité assez hypnotisante, se mélangent à des passages à la guitare acoustique (voir un banjo sur Blitzkrieg ?) plus nombreux, tissent des trames débutant dans des dédales classiques, bienveillants avant de glisser vers des sphères plus étranges et mordantes. Le chant évoluant dans des tonalités assez hautes appuie ce sentiment de fragilité, de morceaux pouvant se briser à tout moment tout en se révélant juste et plus naturel. Don Aman avance sur une corde raide. On serait bien tenter parfois de les secouer, de leur demander de crier, de lâcher les amarres mais tout le charme de Starving réside dans cette maîtrise pointilleuse pour rester dans un équilibre précaire ne manquant pas de force en sous-main, d'harmonies consistantes et d'éclats tranchants pour tenir debout.
Il Ne Lui Manquait Plus Que La Parole, titre ingénieux pour un instrumental, Dark, Blonde, Red ou encore Nature Morte et Megpie, autant de compositions dont l'envoûtement vous prend presque par surprise. Mais l'effet perdure et se répand dans les veines comme un feu qui couve lentement.
Par contre, quand déboule le dernier titre avec ses dix-huit minutes, il est permis d'avoir peur. Mais Douglas tient largement la distance, comme un écho à Solzimer, autre long titre de Tricératops, sur lequel Don Aman déploie tout son savoir-faire en matière d'ambiances successivement feutrées, entraînantes, grondantes, languissantes en prenant soin de gommer toutes notions trop évidentes de montées et de descentes, surfant sur des courbes avantageuses et domptées.
Un disque pop à la 31 Knots ou Dead Science, c'est à dire allant voir au-delà du cadre dans lequel il serait tentant de les enfermer, se nourrissant de multiples sources pour tracer un sillon personnel dans lequel il est bon de se laisser aller. Don Aman confirme leur talent singulier.

SKX (28/02/2018)