daughters
ipecac
|
Daughters
You Won't Get What You Want 2xLPs
Ipecac records 2018
You Won't Get What You Want. Ça tombe bien car je n'attendais
strictement rien de spécial du nouvel album de Daughters. Pire,
je n'étais même pas au courant que Daughters avait remis
le couvercle après huit années de silence et qu'un quatrième
album était en préparation.
Ça n'a pas toujours été l'amour fou avec Daughters.
Les deux premiers albums (Canada
Songs et Hell
Songs) étaient du domaine du passable à une époque
où Daughters avait des allures de têtes à claques.
Heureusement, le troisième
album les avait remis dans le droit chemin, une excellente manière
d'en rester là avec le groupe de Providence. C'était ce
qu'on appelait des adieux réussis. Mais les filles ont grandi,
les sujets de dispute ont été enterrés et Daughters
est à nouveau parmi nous. Et ce n'est pas pour faire du recyclage
et vivre sur les acquis du passé.
Pour l'occasion, le vinyle de 2010 a été remis sur la platine
et en écoutant l'ancien et le nouveau testament, une certaine continuité
se dégage. You Won't Get What You Want n'est pas la totale
révolution annoncée. Dans le traitement sonore de la guitare,
la folie ambiante, certains tics azimutés, une touche Daughters
existe, un fil rouge bien réel qui fait le pont et donne sens à
la discographie du groupe.
Pour le reste, Daughters est devenu bien plus flippant. Et étrange.
Un univers sonore plus personnel, une esthétique générale
qui sent le grand stress, le nihilisme et le désir de s'émanciper
de ses racines, sur tout ce que le groupe a pu produire ou tout simplement
l'entoure. Plus d'espace dans le son, une violence larvée, un rythme
qui ralentit, tend des pièges, devient sournois en devenant moins
trépidant. La guitare sonne plus que jamais comme un synthé.
D'ailleurs, je me suis demandé si la guitare n'avait pas été
totalement mis au rebut sur ce disque. Les synthés prennent plus
de place, bouffent les cordes, dérangent les habitudes. Mais font
autant de bordel. Pervers. Des sonorités électroniques anxiogènes
rajoutent une bonne couche d'angoisse. Des morceaux en moyenne plus longs,
plus répétitifs, plus tarés. Et plus variés.
You Won't Get What You Want n'est pas un long et virulent crachat
noise continu. C'est un tableau fracturé avec de multiples nuances
de noir, différents niveaux d'agression. Des compos qui tirent
vers des branlées noise-rock synthétiques ou se tendent
vers une musique industrielle quasi symphonique. Des élans plus
mélodiques suintant de méandres convulsifs et sales. Des
déhanchements electro-punk pour danser comme un cyborg. Des plongées
dans les tréfonds des ténèbres, tristesse abyssale
sans espoir de retour. Satan In The Wait, guitare qui pleure ou
synthé qui grince, tonalité singulière au final pour
morceau captivant. Et de grands moments de chaos, du frontal toujours
comme avant mais c'est orchestré d'une main nouvelle donnant à
You Won't Get What You Want des airs de musique intemporelle et
incomparable. Un objet qui s'aborde avec méfiance, qui s'infiltre
doucement, mystérieusement et éclate de l'intérieur
en disséminant une nuée de flèches acides qui désorientent
pour notre plus grand plaisir.
Alexis S.F. Marshall n'arrête pas de crier Let Me In sur
le dernier morceau Guest House. Ouvrez la porte en grand. Vous
n'aurez peut-être pas ce que vous voulez mais vous auriez tort de
vous priver.
SKX (19/12/2018)
|
|