coilguns
hummus


Coilguns
Millennials – LP
Hummus records 2018


Cinq ans déjà que Coilguns n'avait pas donné de nouvelles depuis le mémorable Commuters. Mais avec Millennials, le groupe suisse surpasse toutes les attentes et envoie valdinguer d'un vulgaire revers de main tout ce qu'il a pu faire auparavant. Millennials est un véritable triomphe. Oui, le suspens est tué dès le départ de cette chronique et tout ce qui va suivre ne sera que gloire et lauriers tressés à Coilguns.

C'est le son d'abord qui vous prend à la gorge. Enregistré sur bandes par Louis Jucker, chanteur de Coilguns, Millennials est organiquement puissant, possède un grain unique, dense tout en permettant à chaque instrument de bien se faire entendre. Un son qui vous entoure de partout, passe par tous les pores de votre pauvre corps qui vibre de bonheur devant un tel assaut. Les guitares (Jona Nido et Jucker) sont épaisses et découpent le béton. Les roulements de batterie (Luc Hess) résonnent encore longtemps après la fin du disque. Et les effets des synthés du nouvel arrivant (Donatien Thiévent) de ce groupe sans basse n'ont aucun mal à répandre des bruitages perturbateurs grouillant dans chaque espace laissé libre.

Et puis les compos bien sûr. Coilguns appartient à la catégorie des Botch, Breach ou Ken Mode, les groupes conjuguant hardcore, noise, punk et metal avec un doigté incomparable. Avec une bonne dose d'expérimentations, des prises de risque et surtout une très grande liberté pour faire ce qui leur passe par la tête, loin des chapelles, sans chercher à plaire à un public spécifique. Ce qui n'est pas surprenant quand on connaît les nombreux autres projets des membres de Coilguns comme Autisti pour Louis Jucker. Avec Coilguns, c'est la version dure et possédée mais cette ouverture d'esprit permet d'aborder le monde des extrêmes sans tomber dans la redite, de magnifier le monde du bruit en lui insufflant des bourrasques d'air frais et de brillantes inspirations à la pelle.
C'est une musique oppressante, violente, très sombre. Des morceaux d'une intensité redoutable mais avec plein d'échappatoires et qui partent là où on ne l'attendait pas. Des breaks fatidiques qui éclairent la nuit, des labyrinthes débouchant sur des explosions démoniaques, des vagues de tensions qui écorchent la peau. Ça s'écoute comme le Dig Out The Switch de Dazzling Killmen, le mors aux dents, une tension continue qui parfois retient son souffle pour que ça soit encore meilleur au final. Les hurlements de Jucker alternant avec des passages parlés se fondent dans la lave des guitares. Les rythmiques vous laminent. Des bouts de mélodies persistent dans le tumulte. Des titres inclassables, addictifs qui s'écoutent sans fin (Anchorite, Deletionism et ses riffs de parpaings impressionnants, Ménière's, le convulsif Blackboxing) et rendent littéralement dingue. Des uppercuts d'une minute qui laissent à terre avec un goût tout bizarre dans la bouche (Music Circus Clown Care et Wind Machines For Company). Des incursions dans l'irréel, des constructions inattendues, des samples anxiogènes et pertinents (The Screening qui a un arrière goût de Deity Guns sur toute la première partie, la fin de Millennials s'imbriquant parfaitement avec l'éclaté et plus ambient Spectrogram). Le magnifique Self-Employment Scheme est une preuve supplémentaire que Coilguns est un groupe particulier, créatif, un groupe de noise ultime capable de casser tous les codes.

Chaque seconde de Millennials est passionnante, c'est cohérent de bout en bout, jusqu'au livret de 28 pages avec l'artwork au couteau de Noé Cauderay. Un disque énorme, un classique sur lequel on n'est pas fini de baver et de découvrir.

SKX (24/04/2018)