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Cheer-Accident
Fades – CD
Skin Graft records 2018


L'assiduité n'est pas mon point fort pour suivre l'actualité de Cheer-Accident. Depuis la chronique de Salad Days en 2000 (remasterisé en 2017 pour une sortie en vinyle), le groupe de Chicago a réalisé pas moins de neuf albums. Et encore, Cheer-Accident a fait une pause entre 2011 et 2017. Si j'ai du mal à les suivre, ce n'est pas tant pour leur grande prolixité mais parce que la musique de Cheer-Accident est une aventure risquée. Quiconque a déjà écouté un de leurs dix-huit ou dix-neuf albums depuis 1981 sait que cela peut-être une expérience spéciale, un grand moment de stress, la confrontation d'univers musicaux qui n'ont rien à faire ensemble, une excentricité ardue dans sa morne vie. Ça passe ou ça casse. Ou, plus exactement, on ne sait pas ce qui nous attend. Cheer-Accident a la particularité de ne jamais faire deux fois le même disque. Allez faire un tour sur leur bandcamp et vous verrez de quoi il retourne (l'écoute de Dumb Mask est à conseiller si vous n'avez pas envie d'être trop désorienté pour commencer).
Je ne suis donc jamais pressé d'écouter du Cheer-Accident. Si Skin Graft ne m'avait pas filé Fades entre les pattes, ce disque ne serait jamais venu éprouver mes tympans. Et la première écoute ne m'a pas donné tort. Prog-rock seventies, psychédélique, synth-pop, jazzy et autres termes plus inavouables viennent aussitôt à l'esprit avec différents chants féminins bien trop propres sur eux et mélodiques pour ne pas abdiquer au bout de la quatrième piste portant parfaitement son nom, I'm Just Afraid. Salad Days à coté, c'était du petit lait.
Mais le talent de Cheer-Accident est non seulement de se jouer des étiquettes mais également de jouer avec les étiquettes. Inclassable et furieusement joueur au-delà du raisonnable. De tous les genres musicaux peu ragoutants cités plus haut, il faut rajouter les qualificatifs tordu, déformé, lecture et réinterprétation personnelles des codes et de la bienséance en vigueur. Fades peut dont être une soupe aussi insupportable qu'elle peut parfois être brillante ou du moins surprenante dans le bon sens. Il faut savoir passer outre le chant, ce qui n'est pas toujours facile certes, pour tomber sur des titres réussis comme Trying To Comfort Mary, Last But Not Lost ou House Of Dowse plus mordant, des titres où la sauce prend bizarrement forme et consistance.
Il n'était pas surprenant de voir ce groupe invité en 2017 au festival Rock In Opposition près d'Albi. Le groupe avec Thymme Jones et Jeff Libersher en noyau central (et Todd Rittman – US Maple, Dead Rider – à l'enregistrement et instrumentation aussi) n'aime pas faire comme le commun des mortels. Il s'oppose aux règles, les contourne, joue de la pop sophistiquée avec des manières théâtrales, fait du rock avec humour, se lance dans des joutes vocales crispantes qui font fuir, prend des airs d'opéra avec un très fort second degré, accouche de sonorités qui ne devraient pas exister, possède une instrumentation riche et bigarrée. Il est surtout libre de faire ce que bon lui semble. Avec réussite ou non. Fades n'échappe pas à la règle. Ça toujours été comme ça chez Cheer-Accident. C'est à vos risques et périls.

SKX (06/09/2018)