arabrot
pelagic


Årabrot
Who Do You Love – LP
Pelagic records 2018

Finalement, cet album n'est pas surprenant. C'est un glissement de terrain opéré depuis plusieurs enregistrements, lentement mais sûrement, que The Gospel venait brillamment confirmer. Mais à force de glisser, le ravin finit toujours par se présenter. Who Do You Love. Qui m'aime me suive. Ils vont se faire de nouveaux adeptes, faire fuir les anciens, les purs et durs, et moi, comme un bon centriste en panne de programme, je ne suis ni pour, ni contre, bien au contraire.
The Gospel
avait bien démontré que le temps de Revenge était totalement résolu, que le noise-rock mutant et le metal vérolé n'étaient plus de mise dans l'église recyclée en pleine campagne suédoise du norvégien expatrié Kjetil Nernes. Le blé était redevenu blond et lui est tout en blanc. Chapeau compris. Comme une recherche de pureté, d'absolu qui en vient à édulcorer le propos d'Årabrot. Ce n'est pas que c'est mauvais, c'est juste que les compositions du groupe n'ont plus la même force, la profondeur et la beauté douloureuse affichées sur The Gospel par exemple.
J'écoute pourtant ces morceaux sans serrer les fesses. Y compris l'épuré Pygmalion, chanté par l'organiste Karin Park et compagne de Nernes à la campagne prenant une part de plus en plus importante au sein d'Årabrot ou Sons And Daughters, soit le même morceau mais dans sa version groupée avec batterie, guitare et autres délicats arrangements. Årabrot n'a peur de rien et se permet tout.

En fait, j'arrive presque à aimer ce disque si je me dis que je n'écoute pas Årabrot. Faire abstraction du passé. Sans arriver à l'oublier. Cruel dilemme. J'arrive à casser la nuque sur quelques matraquages en règle (Warning, nonobstant le solo de guitare), mais aussi Maldoror's Love et The Dome présentant des symptômes toujours musclés, à frémir sur des chants éraillés, passer dans un monde parallèle pendant les 30 secondes de Serpents (titre composé par Andrew Liles de Nurse With Wound et Current 93) et ne pas complètement se sentir dépaysé dans ce nouveau monde présentant de palpitants passages comme Look Daggers, Årabrot ne possédant pas son pareil pour amener son lyrisme viril et sa démarche affectée sur un plateau doré. Mais de là à être à fond et possédé par la magie noire habituelle de Nernes et sa (nouvelle) bande, c'est une autre histoire, un fossé qui n'a l'air de rien mais qui sépare bel et bien l'impeccable The Gospel et Who Do You Love. Comme un album bien de loin mais loin d'être bien.
C'est le cas de Sinnerman et Uniform Of A Killer qui sont deux bonnes compos si seulement Nick Cave n'avait pas existé. Et bien que Sinnerman soit une reprise d'une chanson américaine de negro-spiritual popularisée par Nina Simone. Ceci dit, des groupes qui s'inspirent très fortement de figures tutélaires et s'en sortent pas trop mal, les exemples sont nombreux. Årabrot est de cette catégorie. Mais ça laisse un arrière-goût bizarre comme l'ensemble de cet album inspiré par la tournée anglaise de 31 dates en compagnie de l'écrivain anglais John Doran dont des notes très personnelles de cette aventure sont retranscrites sur l'insert. Une tournée ressentie par Nernes comme un nouveau départ juste après s'être remis de son cancer de la gorge, une seconde jeunesse, un retour aux sources du rock'n'roll et un hommage à Bo Diddley qui a tourné à fond dans l'auto-radio du van et dont son Who Do You Love a donné le titre de l'album. Mais c'est bien de l'avant qu'Årabrot continue d'aller, tout en cherchant de nouvelles directions qui ne sont pas concluantes. Mais la route est longue. On ne va pas les abandonner en chemin.

SKX (21/11/2018)