alphastrategy
antenakrzyku





Alpha Strategy
The Gurgler – CD
Antena Krzyku records 2018

Alpha Strategy sort son troisième album et j'ai bien failli ne pas les reconnaître. Les Canadiens déclarent avoir voulu apporter plus d'espace à leurs compos et jouer sur les dynamiques par rapport au précédent album Drink The Brine Get Scarce plus hargneux, ramassé et convulsif. On peut dire qu'ils ont réussi leur coup. Seulement sept morceaux qui ont tous gagné en longueur alors que précédemment tout était torché en trois minutes maxi. Alpha Strategy prend désormais son temps. A tout point de vue. Car la cadence générale est loin d'être infernale. Terminés les rythmes spasmodiques. La tension est en hibernation, sous-jacente, la torpeur s'invite au bal des maudits. Alpha Strategy continue de tanguer mais au ralenti. Alpha Strategy prend également un grand bol d'air. The Gurgler ventile. Chaque instrument bien à sa place, sonnant fièrement dans son coin comme Albini sait si bien le faire. Les silences deviennent importants. Les respirations sont nombreuses. Les volumes s'agencent pour mieux faire ressortir l'intensité. Voilà pour la description technique de The Gurgler.

Par contre - et c'est quand même là l'essentiel - si on s'attarde sur l'émotion que ça procure, les frissonnements sur l'épiderme et l'envie de remettre ça, c'est une autre paire de manches. Ça fait plus de deux mois que je l'essaye par tous les bouts mais The Gurgler me fait modérément vibrer. J'avoue même que la première écoute a été très pénible. Depuis, cet album a su se faire apprécié mais c'est pas l'extase non plus. Alpha Strategy semble avoir voulu déconstruire le rock à l'instar de US Maple, devenir piégeux comme un disque de The Conformists mais en allant parfois trop loin dans l'abstraction, devenant froid et cérébral. Et surtout, un disque manquant de coups d'éclats, de fulgurances pour ne pas perdre le fil rouge et entretenir l'électricité. Le noise-rock de The Gurgler baigne dans une aura cotonneuse, un faux rythme, un truc lancinant n'arrivant pas à instaurer une tension nécessaire, fut-elle souterraine, ou alors trop rarement. Les angles sont là mais ils sont fuyants. On a plus d'une fois envie que ça prenne feu, que ça cogne, que ça décolle mais The Gurgler reste entre deux eaux. Et moi aussi.
Cet album ne manque pourtant pas de moments séduisants comme l'excellent The Gargler où le groupe trouve l'équilibre parfait. Des bouts de mélodies viennent illuminer le propos. Le guitariste ne manque pas de trouvailles titillant les nerfs. Certains rythmes piquent au vif et auraient mérité meilleurs développements. Des structures s'emballent (mais jamais assez longtemps). Le chant spécial de Rory Hinchey trouve le ton juste et on se met à croire que tout va bien se passer, que le déclic est enfin arrivé.
Mais The Gurgler ne se libère pas, bancal et comme sous codéine malgré la puissance de feu que les Canadiens ont sous la main avec des morceaux qui avaient tout pour être grandioses mais qui laissent sur sa faim. Les intentions sont là, elles sont intéressantes mais elles ne se sont pas pleinement réalisées.
Ça ne m'empêchera pas d'aller les voir en concert. Et comme le groupe a récemment déménagé à Berlin pour plusieurs mois pour sillonner dans tous les sens le vieux continent, les occasions ne devraient pas manquer pour juger sur pièce le rendu live de The Gurgler qui j'en suis sûr a des chances d'être bien plus marquant et détonnant.

SKX (15/10/2018)