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Shimmer s/t LP Drop Medium 2017 Le bouleversement déroute et nous ne savons rien des périls à venir. Le corps pèse pour se maintenir. Dans ce cadre là, Shimmer n'est pas un ovni. Des bribes du passé, des éléments perturbateurs du présent, tout s'entrechoquent dans un champ no-wave/noise-rock/art-punk absurde, déglingué, sans futur. Des plaintes s'élèvent. Des mains se tendent. Shimmer n'attend rien et court devant. Ou à coté. Shimmer miroite sur des eaux troubles, hérissent des poils qui ne se caressent pas dans le bon sens et frise les nerfs. Avec la chanteuse Ani Ivry-Block et la batteuse Nina Ryser qui officient toutes les deux chez Palberta ainsi qu'un bassiste et un guitariste (Simon Hanes et Paco Cathcart) dont on imagine les saccages nombreux dans des groupes dont tout le monde s'en branle, Shimmer émerge de Brooklyn et monte comme une angoisse. Le titre d'ouverture se nomme Enter Shimmer. On a connu accueil plus bienveillant. La chanteuse exagère outrageusement son éraillement d'animal blessé qui s'est pris les pattes dans la porte, on a mal pour elle, ça vient de profondeurs dont on ne veut même pas connaître l'existence. Idéal pour mettre une sale ambiance et attirer le mauvais il. Le retour à plus de réserve est pour après. Rivalité entre des énergies qui se croient contraires, Shimmer se construit sur des bouts de structures qui pendouillent, des pics qui s'enfoncent d'un coup, un bruit dérangeant et un espace qui l'est tout autant. On s'attend à une attaque noise virulente. C'est le guet-apens qui se tend. Le rythme qui ne part pas. L'extravagance d'un riff. Le dialogue de sourd entre trois instruments jonglant sur un fil invisible, chaotique, furieusement fragile. Dix morceaux, autant de pièges. A commencer par la reprise de Buddy Holly, Not Fade Away, méconnaissable, vertigineuse et couplée avec Heavenly dont le début a un petit quelque chose de US Maple. Quand on désire déconstruire le rock, autant demander au chef. Plus loin, c'est Okay's Lament dont les seules paroles consistent à répéter OK entre deux grognements. Magnifiquement stressant comme le final Do It Dead, abruptement dépouillé, répétitif, tendu, malsain. The Conformists apprécie en connaisseur. Mais la comparaison s'arrête là. Parce que Shimmer ne se compare pas. C'est une bestiole déstabilisante, écorchante, bizarrement entraînante, qui essaye d'être carré mais qui merde à chaque fois car l'ordre et la discipline font peur, avec au chant une figure de proue charismatique et des germes de compos laissant des traces indélébiles et la sensation fugace mais néanmoins persistante que cette musique est gentiment originale et admirablement cintrée. Et ce disque s'écoute autant qu'il se regarde puisque Shimmer a décrété que c'était a visual album. SKX (11/12/2017) |