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Moller-Plesset
Self-consistent E.P. – 12''
In My Bed records 2017


Moller-Plesset a une notion différente du commun des mortels du temps qui passe. Qu'est-ce qu'on disait à la fin de la chronique de leur précédent disque ? Espérons ne pas attendre six nouvelles années pour avoir des nouvelles du quatuor rennais ? Ça tombe bien, ça fait six ans que Hartree-Fock Method est sorti. A leur décharge, ce nouveau disque aurait dû sortir l'automne dernier. Cinq années au lieu de six, ça change carrément tout. Il aura donc fallu attendre une année supplémentaire et un disque reparti à la mastérisation pour que quatre nouvelles compositions se dévoilent enfin.

Oui, quatre. Toujours aussi productif. Une constante chez Moller. On ne change pas une équipe qui gagne. Non. Mais elle se bonifie. Moller-Plesset n'est plus depuis belles lurettes ce groupe math-rock qui fait des figures bizarres avec les doigts sur les deux manches de leurs guitares et un batteur qui semble taper quand bon lui semble. D'ailleurs, a-t-il vraiment été un jour ce genre de groupe qui se prend la tête ? Moller a toujours revendiqué le droit à la mélodie, à mettre du cœur, de la chaleur et un peu de tripes sur la table autant que de technique. Self-consistent (encore un truc en rapport avec la Hartree-Fock Method, encore un truc qui ne parle qu'aux scientifiques comme tous les titres des disques des Moller. Auto-cohérence jusqu'au-boutiste) est une nouvelle avancée dans un terrain de plus en plus mouvant, indéterminé et singulier. Le noise-rock se teinte de blues, cet épanchement sombre qui sert à raconter ses déboires. Les plans asymétriques et les arpèges dissonants n'ont jamais paru aussi limpides. Les quatre titres louvoient entre passages répétitifs jusqu'à l'ivresse et passages percutants avec ce sens inné et affirmé du rock'n'roll qui a toujours irrigué et transcendé leurs morceaux.

Quatre titres inspirés qui tirent des bords, titubent, font peser un rythme intermédiaire, préférant ruser pour aborder le problème, installant une fausse torpeur, tissant patiemment la mélodie, amenant graduellement la tension dans des strates où tout finit par couler de source et exploser en bouche comme le bon vieux vin qu'ils sont devenus.
Et puisqu'il est question de bonification, le chant également participe grandement à cette profondeur gustative. En plus désormais de concevoir la pochette bien à son image de diablotin, Mister Gilles possède une assurance nouvelle dans l'art de placer sa voix, capable de chanter naturellement puissamment sans appuyer sur les cordes, jouer avec les sonorités et les intonations tel un prêcheur fou. Je ne dis pas ça parce qu'un morceau se nomme Preacher, lui qui s'en prend à ses collaborateurs sur Coworkers, cherche son coq sur Red Rooster et évoque des Japonais en Allemagne sur Burning Man. Mais sa prestation donne une réelle plus-value aux compos, comme un élément perturbateur bienvenu pour un soupçon d'insécurité et de folie supplémentaire.
Et avec un enregistrement au fin fond de la campagne chez le studio Kerwax, Moller-Plesset a mis tous les atouts de son coté pour l'assurance d'un produit final de toute beauté. Moller-Plesset, rare et toujours aussi indispensable. Profitez-en immédiatement sans modération sous peine d'attendre encore six ans.

SKX (19/09/2017)