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Jaye
Jayle House Cricks And Other Excuses to Get Out - LP Hawthorne Street 2016 Ce n'est franchement pas en avance que ce disque est chroniqué. Un an qu'il a été publié. Le nom de Evan Patterson, guitariste et chanteur de Young Widows n'a peut-être pas aidé à s'intéresser à son projet solo. Les derniers méfaits de son groupe phare ont calmé les ardeurs. Et c'est bien dommage. C'est depuis 2014 et une série de quatre singles qu'il bricole dans son coin. House Cricks And Other Excuses to Get Out est son premier album et il s'avère particulièrement réussi. Oubliez Young Widows. Ou alors prenez juste les passages les plus sombres des deux derniers albums, les tentatives ratées d'une musique qui se voulait profonde et hantée, enlever tout le décorum noise et tapageur, la tonne de reverb à deux balles qui ne faisait peur à personne et vous aurez un début d'amorce du paysage sonore de Jaye Jayle. On sentait bien que Patterson voulait insuffler un vent de blues noirâtre et introspectif avec Young Widows, ne donnant au final qu'une terne flaque boucané. Avec Jaye Jayle, la sainte alchimie a été trouvée et ça donne un bon jus noir lumineux, vivant et douloureux. Jaye Jayle
n'est pas pour autant un projet solo avec sa seule guitare en bois au
coin du feu. De l'électricité, du rythme, des claviers,
des churs et même un peu de violon et des rajouts de percussions.
Jaye Jayle est devenu un groupe avec des anciens The For Carnation, Shipping
News (Todd Cook à la basse qui accompagne également Shannon
Wright), Jonathan Glen Wood et Neal Argabright en personnel titulaire
plus quelques intérimaires comme Matt Fox pour seconder Patterson
à la guitare. Jaye Jayle est orchestré, sans véhémence,
sans surcharge, avec un beau sens du détail, de l'élégance
et une recherche constante d'équilibre entre l'intensité
et la gravité, l'orage et l'abandon. Jaye Jayle traîne sa
croix et son désarroi. Avec des titres comme Heaven Is Cold
et Pull Me Back To Hell, inutile de vous faire un dessin. De sa
belle voix grave et posée, Patterson raconte des histoires de démons
intérieurs et de lune brillante. Une onde crépitante et
envoûtante parcours chaque titre qui se contente de peu. Une ligne
de guitare accompagnée d'un léger orgue et un bourdonnement
de basse dans le fond (Hanging Mirror) suffisent à faire
monter la tension. Trois notes dans la sécheresse d'une ambiance
décharnée tournant comme un mantra suffisent à faire
décoller. Une fausse langueur, des fantômes lugubres et des
mirages trop beaux pour se perdre dans le désert où cette
musique doit prendre encore plus son sens. Dark Angel répété
de plus en plus fort comme pour se persuader que tout ça n'est
qu'un mauvais cauchemar (The Beast Keeps Cool). Une guitare qui
balance des éclairs ou évolue sur deux cordes, diffusant
une chaleur animale. Il y aurait du Johnny Cash électrique dans
Jaye Jayle, du Wovenhand très épuré pendant que Timber
Timbre peut retourner pointer à la Poste, c'est retour à
un rock'n'roll débarrassé de tout superflu (Two-Headed
Crow), introspectif, blues moderne s'épanchant juste ce qu'il
faut, sec et pourtant travaillé et riche de vibrations captivantes.
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