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Idylls
The Barn – LP
Holy Roar/Black Wire records 2017

Alors là il va falloir sérieusement remettre les compteurs à zéro. Et défenestrer sans pitié tous les apprentis noiseux qui pensent que gratouiller leurs guitares en faisant des grimaces ridicules et balancer des riffs gras du bide suffit à leur donner un semblant de crédibilité. Ceux là ont décidemment tout faux. J’avoue que jusqu’ici je n’avais encore jamais entendu le nom de Idylls ni le moindre enregistrement du groupe et pourtant The Barn est le troisième album de ces quatre fous-furieux originaires de Brisbane, Australie. Et je ne m’y ferai jamais. Je ne me ferai jamais à ce mystère insondable et inlassablement envoutant qui permet à cet énorme pays de moins de vingt cinq millions d’habitants de continuer à engendrer des groupes aussi déglingués, malades et furieux que Idylls. Pourtant je devrais avoir l’habitude, depuis mes seize ans – une éternité – lorsque j’ai découvert pour la première fois Birthday Party. Mais Idylls n’a finalement que peu à voir avec ces illustres et indispensables ancêtres.

Histoire de racoler efficacement le chaland le label a fait apposer l’autocollant « pour fans de The Jesus Lizard et de Pissed Jeans » sur la pochette du disque. Je peux être d’accord avec ce descriptif trop limité mais très efficace : Idylls fera regretter que les premiers en sont déjà à leur troisième – quatrième ? – tournée d’adieu et que les seconds n’arrivent pas à sortir plus d’un album tous les six mois. Le même autocollant mentionne également Daughters (oui, il y a effectivement également de ça) et… John Zorn. Là je dois dire que la seule explication plausible et valable est celle de la présence récurrente d’un biniou surexcité (un saxophone alto me semble t-il) sur nombre de titres. Pourtant Idylls n’est pas un groupe qui donne indécemment dans la freeture de gaufrettes et l’expérimentation consciencieusement fracassante, c’est bien de noise dont il s’agit, un tumulte noise-rock hystérique et méchant, sec et racé, tranchant et vicieux, pas loin d’être complètement pulvérisé, souvent passé à la moulinette de tourneries hardcore/grind échevelées. Et elle est reconnaissable entre mille cette saveur divine de la fureur et du bruit qui scotche dès les premières secondes de No Virility puis arrache définitivement la gueule sur un Neuroqueering On Shift particulièrement acharné. Elle a le goût du sang. Deux titres seulement et l’affaire est déjà entendue : The Barn est un grand disque déviant, anxiogène et malfaisant. D’une énergie délirante et insensée.

On pourrait alors penser que The Barn en deviendrait presque fatiguant (j’ai dit presque). Et bien non, même pas. D’abord parce qu’il dure juste ce qu’il faut, à savoir une grosse demi-heure ; ensuite et surtout parce que Idylls enchaine sans faillir les pépites speedfuck et les moments héroïques, mais toujours en mode crasseux et immonde. Même si le groupe démontre une forte prédisposition à jouer pied au plancher tout en fonçant dans le tas (Learnt Young, Choke Opportunity, ce ne sont pas les exemples qui manquent), il maitrise aussi parfaitement le mid-tempo chaotique et glauque (le malfaisant Muck And Vulnerability et ses farandoles de réverb). Et il est bien difficile, au milieu de ce bordel insensé de stridences, de saturation, de hurlements et de cavalcades de donner un nom connu et pertinent à l’aliénation et la démence soniques de Idylls. Jusqu’au dernier titre du disque, le très long (pour une fois) et éponyme The Barn qui mène lentement à bien la mission d’équarrissage que semble s’être fixé le groupe. Tant pis pour les victimes innocentes qui penseront à tort que Idylls c’est trop pour eux ; les acharnés du bulbe, les amateurs de sensations fortes, les névrosés et les psychopathes qui aiment avoir mal et agoniser en attendant la mort seront eux définitivement convertis.

Hazam (16/10/17)