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degelite
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Goz
Of Kermeur
Greatest Hits 2xLPs
Jelodanti/Atypeek/Et Mon Cul C'est Du Tofu ?/Degelite records 2017
Goz Of Kermeur ressurgit du passé, non pour une reformation mais
pour une compilation en forme d'hommage. Parce que ce groupe était
inestimable, unique et il avait grandement besoin d'être dépoussiéré,
pour que les plus vieux se remémorent et les plus jeunes et les
incultes découvrent un groupe qui n'a pas pris une ride. Leur musique
pourrait être d'aujourd'hui, que du feu on verrait. Et pourtant,
elle ne l'est pas. Goz Of Kermeur, trio suisse actif entre 1991 et une
douloureuse fin en 2001 quand son guitariste Yves Charmillot meurt d'un
cancer. Trois albums à leur crédit. Un self-titled en 1992
qui se taille la part du lion sur ce double album Greatest Hits,
s'accaparant entièrement la face A et la face B avec treize titres
sur les dix-huit que comptait l'original. Le deuxième album, celui
qui a toujours eu ma (petite) préférence, le génial
Irondelles en 1993, s'étale sur toute la face C avec huit
titres (sur quinze). Sur la dernière face, le troisième
album Mythoman (1996) est le moins représenté avec
seulement deux morceaux. Une face complétée par Inflated
Edge, un titre en collaboration avec Ted Milton (leader et saxophoniste
furieux de Blurt) qui figurait à l'origine sur un single publié
en 1994. Un groupe contemporain d'Alboth!,
des potes de Young Gods. Goz Of Kermeur était le moins connu de
ce triumvirat suisse mais ne dérogeait pas à la règle
en étant tout aussi singulier et à forte personnalité.
Un contrebassiste-chanteur (Adrien Kessler), un batteur (Andreas Valvini),
Yves Charmillot à la guitare donc et de multiples possibilités
pour ce groupe inclassable dont le nom, Kermeur, vient d'un endroit en
Bretagne comportant trois fermes et s'appelant Kermeur (du coup, ils avaient
été obligé d'y jouer à l'époque
!). Trois musiciens passés par le conservatoire de Genève.
Le bagage technique est là mais ils ne l'étalent pas contrairement
à leur ouverture d'esprit. Le jazz, la musique avant-gardiste,
le rock, le punk et une grande liberté et gymnastique pour associer
ces courants ascendants vers de nouvelles contrées. Un imaginaire
débordant, une poésie naïve, une dureté qui
leur vaut souvent l'étiquette bâtarde de jazz-core, une musique
autant cérébrale qu'instinctive, un vocabulaire très
diversifié, rock in opposition irradiant de nouvelles expériences
des atmosphères hypnotisantes, complexes, abstraites, pleines de
second degré ou merveilleusement mélodiques. Goz Of Kermeur
évoque donc ainsi autant Tom Cora avec The Ex, Alboth!, Tom Waits,
Pere Ubu et aussi Kourgane
(assez saisissant sur Pain) à posteriori mais il est surtout
question d'un univers personnel, une palette de rythmes, de sonorités,
d'approches au service de compositions qui gardent le souci de ne pas
vous perdre en route pour au contraire, vous faire léviter dans
une troisième dimension à l'instar du tripant Sweet Heart
sur Mythoman suivi de Welcome.
Mais c'est tout Mythoman qui aurait mérité de figurer
sur Greatest Hits. Parce que Goz Of Kermeur n'a pas de mauvais
titres. Sur le premier album, le trio enchaînait les compos sans
traîner, véritable laboratoire d'envies bigarrées
de la part de musiciens aux goûts différents et ne tendant
pas encore vers un objectif commun avec autant d'à-propos que par
la suite. Morceaux pleins de torsions, de tarabiscotages, de cassures,
de sensibilités et aussi d'étranges, mélancoliques
et belles bordées (Boat), des accalmies menaçantes
et l'impression de découvrir ce disque généreux à
chaque écoute. Irondelles sans H n'empêche pas Goz Of Kermeur
de prendre son envol. Greatest Hits propose le triptyque Cornet
Frites/Honey Rose/New York, soient neuf titres moins
un (Bonheur) de successions sans blanc volant très haut
dans le ciel de l'inspiration avec en point d'orgue le sublime Bushes.
Les compos s'étoffent. L'archet sur la contrebasse hérisse
les poils tout comme la batterie qui les ébouriffe. La guitare
se fraie un chemin original, strident, iconoclaste, lumineux alors que
Kessler fait preuve d'une gamme vocale aussi variée que barrée.
De la profondeur, du mordant, des turbulences, généreux
toujours. Rien que cette face C devrait vous donner envie de foncer découvrir
Goz Of Kermeur. Sinon on ne peut plus rien pour vous. Un grand merci à
Jelodanti et à ses potes de m'avoir rappelé que ce groupe
existe (pour) toujours, non plus physiquement mais là, à
l'intérieur près du cur, bien au chaud, grâce
à cette compilation incontournable.
SKX (08/12/2017)
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