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Carne Modern Rituals CD Drown Within records 2017 Deuxième album pour le duo lyonnais Carne qui a dû bouffer de la vache enragée pour sortir un disque aussi décapant. Le premier album Ville Morgue était déjà un beau morceau. Modern Rituals le surpasse. Le passage entre les mains d'Amaury Sauvé, notamment spécialiste des enregistrements de Throatruiner records, a donné une nouvelle ampleur et épaisseur à la musique de Carne. Ça craque sous la semelle, la grosseur du grain est explosive sous la puissance des coups, le tumulte gagne en sauvagerie et en force de pénétration tout en étant limpide et éclatant. Carne écrase mais laisse une chance de survie. Ce qui subjugue surtout, c'est la dimension prise par les nouveaux titres. Il n'est plus question de noise, d'hardcore ou de sludge mais de compos qui prennent aux tripes tout simplement. C'est encore plus radical tout en étant plus efficace, avec un surplus de lyrisme lumineux dans le noir et des têtes qui chavirent. Carne se bonifie en maîtrise et en aplomb. Les rythmes (Thibault Claisse, responsable également de l'artwork) qui étaient toujours lourdement mid-tempos n'hésitent plus à franchement accélérer. La chaleur ronge, la lourdeur poisseuse vole en éclats à de multiples reprises comme sur Cloak à la violence ravageuse sur toute la seconde partie crépitante, l'intense Collective Dictatorship ou sur White Flag, morceau qui ouvre l'album en grande pompe et une dynamique incendiaire. Tout est plus incisif. Lourd quand il faut être lourd. Mélodique quand il faut toucher la corde sensible. Épique quand il faut s'enflammer devant tant de désolation ambiante. Jusqu'à savoir magnifiquement manier les contrastes sur le long Bad Tooth tour à tour convulsif, plombé, tribal et presque à s'éteindre doucement en son milieu avant de flamber à nouveau. Northern Light est également plein de reliefs, de pics, s'élève de la masse grouillante au bout de six minutes et de splendides arpèges embellissant un riff intriqué et tournoyant. Comme sur Ville Morgue, Carne a eu la très bonne idée d'inviter Marion Leclercq (Mütterlein), non pas sur un seul titre mais sur deux pour deux fois plus de plaisir. Sur Lord Less qui clôture le disque et surtout le grandiose The End Of Us, pièce maîtresse de ces rituels modernes. Si Lord Less est de l'ordre du massif et de l'oppressant avec les chants complémentaires féminin/masculin avec le guitariste (Pierre Bozonnet) dont la voix est de plus en plus convaincante, Marion est seule aux commandes de The End Of Us dont elle a écrit les paroles (tout comme pour Lord Less). Cette fille a un grain dans les cordes vocales qui donne l'impression qu'elle peut péter un câble à tout moment, une urgence totalement électrisante. Alors sur cette lente et lourde procession de presque huit minutes solennelles, elle nous emmène dans les limbes d'un titre qui finit par ne plus toucher terre, un captivant décollage au parfum exalté et soutenu par une nappe de synthé aussi morbide que belle pour un titre qui réussit le miracle d'être pesant et aérien. Un titre à part qui va laisser des traces. Tout comme cet album inspiré et fascinant, chargé d'un sombre et profond ressentiment. SKX (28/02/2017) |