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Artús Ors CD Hart Brut/Pagans 2017 Quand un groupe s'inspire du folklore local pour l'associer à une démarche rock, je fonce rarement tête baissée. Il existe des fusions nécessitant des pincettes. Trop de cauchemars ressurgissent à l'évocation de musique bretonnante croisant le fer avec l'électricité des guitares et le rythme appuyé des batteries. On a brûlé des drapeaux pour moins que ça. Ramone ton menhir, ça va (beaucoup) mieux se passer avec Artús. Un groupe qui gravite autour de Pau, chante en occitan et trouve dans l'ours des Pyrénées de quoi puiser des histoires pour composer un cinquième album (jamais entendu parler de ce groupe auparavant qui signait ses disques Familha Artús au début). Et puisque l'on évoque la Bretagne, Artús vient du mot celte Arzh signifiant Ours qui lui-même se dit Ors en occitan. Une logique implacable qu'Artús va s'employer à démonter méthodiquement car cette musique ne s'explique pas, elle se vit, elle suggère, elle soulève des questions, puise dans l'imaginaire et met en branle une sorte de transe cabossée et sauvage. La force de l'ours suinte de la musique et vous agrippe de ces redoutables griffes. On peut être moins sensible à certains airs traditionnels et mélodies issues du terroir qui imprègnent Ors en profondeur bien qu'un seul titre (L'Ors Dominique) soit à la base une chanson tirée du répertoire traditionnel, les quatre autres compositions étant des créations originales. Mais force est de constater que la vielle à roue jouée par Roman Baudoin (déjà entendu avec son projet solo 1 Primate), le tambourin à cordes, la boha (ou cornemuse des Landes de Gascogne), le violon fricotent parfaitement avec la guitare, la basse, la guitare baryton, la batterie et les percussions. Six musiciens en tout qui se tendent vers un objectif commun, créer une énergie, une exaltation qui secoue, un souffle qui emporte, une fièvre qui fait chavirer, une tension continue en transcendant les codes, les chapelles musicales et en bousculant la culture locale tout en sonnant juste. Le collectif au service de l'ours, le raconter, le magnifier et lui rendre hommage en écrivant une partition moderne qui s'inspire des traditions. Pour en parler, les angles d'attaque sont différents, les tonalités changent selon les saisons. L'histoire peut se faire mélancolique et émouvante sur La Hola et son très beau chant/complainte. Elle peut être plus violente, incantatoire, derviches tourneurs des montagnes tournoyant dans un mouvement cyclique de plus en plus trépidant et hypnotisant. Le rythme peut être dur, bouillonnant ou plus posé. Le violon met de la frénésie. Les mélodies se font printanières, entraînantes ou deviennent graves. Le chant joue le rôle du chaman entre la bête et l'humain sans que l'on sache à la fin qui est vraiment qui. Dans tous les cas, cinq histoires longues, riches et mouvementées. Elles n'ont rien d'exotique, elles représentent une force de la nature belle et farouche finissant par être envoûtante et méritant de s'y attarder. SKX (28/03/2017) |