ultraphallus
subrosa


Ultraphallus
The Art Of Spectres - LP
Sub Rosa 2016


Je ne connais pas les raisons qui ont empêché de sortir cet album en temps et en heure. Enregistré en août 2013 par Tim Cedar (Part Chimp) et finalisé en août 2014, annoncé depuis deux ans, le quatrième album d'Ultraphallus n'est finalement publié qu'en 2016. Nous sommes donc restés pendant cinq longues années sans nouvelles du groupe belge après un Sowberry Hagan de haut vol. Un silence qui n'a pas altéré la volonté de poursuivre leur mue.

Ultraphallus se libère définitivement des contraintes stylistiques et s'affranchit des genres pour tous les embras(s)er en un seul, à l'instar des Swans, Earth ou Hey Colossus. Une alchimie occulte qui, si on en croit leurs dires, aurait pu provoquer un sacré pataquès. The Art Of Spectres se dit inspiré par The Residents dont ils reprennent Sinister Exaggerator, Marc Bolan, l'acteur Mark Frechette, Swans, Autechre, David Bowie, Eva Ionesco, le film Le Locataire de Polanski et le Death-Metal. Voyez l'embrouille. Ultraphallus a surtout pris de la distance avec toute la scène sludge, metal et autres avatars extrêmes. Comparé à Sowberry Hagan, le quatuor (plus deux invités, Gabriel Severin et Sebastien Schmit, présents sur deux titres) n'a jamais sonné aussi aérien et fluide. Un comble pour un groupe dont les Melvins étaient le mètre étalon au tout début de leur poussée d'acné. Mais on ne va pas s'en plaindre.

Ultraphallus vole de ses propres ailes. Et malgré la récente légèreté acquise, les quatre liégeois restent une entité aux atmosphères troubles, tortueuses et passionnantes. Il ne faut plus compter sur de gros passages qui tabassent ou des rythmiques plombantes encore entendus sur le précédent album. Tout est plus diffus, sous-jacent, pervers et beau. Il existe bien quelques moments qui n'emportent pas une adhésion folle comme Let Him Be Alistair (malgré une intro bien prenante qui laissait augurer du meilleur) ou le court The Death Of Mark Frechette mais dans l'ensemble, Ultraphallus montre un indéniable talent pour construire de véritables compositions à partir de samples, de nappes électroniques, de bouts de guitares éclatées et préparées, de rythmes répétitifs et d'un chant tour à tour psalmodiant ou planant.
Comme attendu, les titres sont longs, développent des parfums variés qui ont besoin de temps pour s'épanouir et hypnotiser. Je ne connais pas l'original mais la reprise de The Residents est bonnement trippante avec une rythmique tranquillement martiale, des vocaux-samples féminins oniriques et une lente montée vers le paradis des condamnés. Les cinq minutes de Eva Ionesco déploient un voile grésillant tout aussi bizarrement charmeur, comme sortir de son enveloppe corporel, s'élever des pesanteurs terrestres et s'observer de là-haut (tout ça en buvant de l'eau). Et des idées brillantes, ce n'est pas ce qui manque. Le grandiose Madrigal Lane évoque un lointain cousinage avec Bästard, voir Deity Guns. La rythmique est moins assourdissante qu'auparavant mais elle propose des trésors, notamment les lignes de basse dantesques de Ivan Del Castillo comme sur Whitewasher, autre grand moment du disque et son intense apothéose finale ou l'intro de l'album sur The Blood Sequence.
L'art des spectres, c'est de faire croire qu'ils n'existent pas vraiment, se demander si ce qu'on entend est vrai ou non, évoquer plutôt que matraquer, la bande-son qui sème le doute, la peur et l'envoûtement mais surtout, vous embarque dans un univers personnel et fantasmé en tout point remarquable et fortement recommandable.

SKX (30/11/2016)