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Rien Virgule
Trente Jours À Grande Échelle – LP
Animal Biscuit, La République Des Granges, Attila Tralala, Permafrost, Les Potagers Natures, Phase !, Do It Youssef, MicrOlab 2015

Le disque de Rien Virgule tourne depuis plusieurs semaines sur la platine mais rien ne vaut un concert pour (essayer de) tout comprendre, d'assembler les différentes parties du puzzle d'une musique se jouant des convenances et des étiquettes, associer l'ouïe et la vue pour percer le mystère. Le concert, c'était deux jours plus tôt, un dimanche soir au Terminus. Un groupe en provenance de la Dordogne avec un nom bizarre qui, à part rappeler certaines dépêches cocasses de journaux locaux, ne fait qu'épaissir l'énigme. Rien Virgule, circulez.

D'abord une histoire d'instrumentation. Des synthés, trois en tout, du fait maison avec plein de raccordements et de liaisons inédites pour des sonorités uniques. Un batteur qui frappe avec des micros. Et le chant singulier de Anne Careil dans une langue incompréhensible qui se révèle en fait être de l'Italien. Je ne l'aurais pas deviner tout seul si je ne l'avais pas lu dans cette interview (où vous apprendrez aussi d'autres infos sur leur orchestration très personnelle).
Et puis une histoire d'ambiances. Car Rien Virgule ne se contente heureusement pas de triturer des boutons et d'improviser sans idée directrice. Le quatuor donne du corps et de l'âme au bruit. Les six longs titres de Trente Jours À Grande Échelle dépeignent des paysages désolés, transportent vers des contrées funestes à l'instar d'un Father Murphy, élargissent le champ d'horizons qui pourraient se révéler très électroniques avec tout cet attirail mais ça sonne étrangement vivant et naturel, sauf sans doute sur le dernier titre Des Punks sur nos Caillebotis. Les compositions peuvent alors s'élever dans un monde parallèle, devenir poignantes (Trafic de Masques), les modulations alternent le chaud et le froid, les ambiances sombres et spacieuses s'étirent et les mélopées vocales jettent le trouble. Une transe inconsciente devenant magnétique au fil des écoutes mais encore plus évidente en concert.

Sur scène, tout y est plus intense, rythmique, magnifié. Notamment le batteur (Mathias Pontévia) quand il saisit des micros pour taper sur les toms basses, ça devient tribal, les cymbales volent, les frottements sont inquiétants, prenant ainsi une dimension supérieure qu'il n'a pas sur disque. Les deux types aux synthés (Manuel Duval et Jean-Marc Reilla) ne restent pas bêtement stoïques devant leurs machines. Ils oscillent intensément au gré des variations de leurs installations-synthés, hurlent parfois dans un micro, tout comme la chanteuse (elle aussi derrière des claviers) dont la radicalité et l'originalité de sa déclamation finissent par propulser Rien Virgule dans des univers aussi déroutants que captivants. Le dernier morceau du concert vire d'ailleurs carrément noise et industriel, aspect que n'a pas spécialement le disque, plus sage et moins bruitiste. Ça pourrait ressembler à un regret mais Trente Jours À Grande Échelle reste un album à vite découvrir tout en préférant pour l'instant sa représentation scénique.

SKX (23/02/2016)