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Portron Portron Lopez
Moi Aussi J'Ai Des Amis Qui Font Du Bruit – LP
Sacrebleu/PoiL records 2015

Ça fait un bail que ce disque traîne sur les étagères. Et je ne m'explique vraiment pas pourquoi il a autant tardé à en ressortir. La belle pochette rose et bleue et son emballage chiadé auraient dû attirer l’œil. L'envoi du disque avait en plus été accompagné d'une sympathique bafouille, un truc écrit à la main comme on faisait au siècle dernier. Recto et verso. Ça ne s'oublie pas. C'était peut-être le second morceau avec ses huit minutes pleines de guitares et de soli qui m'avaient fait remiser gentiment ce disque aux calendes grecques. Son titre est En Attendant. Il a été pris au pied de la lettre.
Portron Portron Lopez, un trio avec les frangins Portron aux guitares (la lyrique et la rythmique) et leur pote Lopez à la batterie. Ils sont basés à Courcelles-La-Forêt. Ne cherche pas, c'est dans la Sarthe. Le destin est parfois cruel. Mais Portron Portron Lopez n'est pas fataliste et lors de la journée du Refus de la Misère, ils se sont acharnés sur leurs instruments pour sortir de leur triste condition. Depuis ce jour béni sont parus un split album avec Truite (ça ne s'invente, à tous les coups ils sont de la Mayenne) en 2014 et un second, en vinyle, Moi Aussi J'Ai Des Amis Qui Font Du Bruit, parce que dans certains endroits, c'est rare et on en est fiers. A vrai dire, yen a un né à Paris, un autre à Barcelone, ils habitent là où ils veulent et peuvent mais sur leur site, c'est marqué Courcelles-La-Forêt alors la légende est en route.
Portron Portron Lopez n'a pas de chanteur. Mais si leur rock est instrumental, il est avant tout libre. Très libre. Et pas du tout mathématique. Ou post quelque chose rimant avec à la mode. Il vagabonde. Partout et nulle part. L'esprit des Bordelais d'Api Uiz flotte sur le trio. Et celui du Captain Beefheart. Mais plutôt que privilégier l'approche noise et les dissonances zébrant le ciel de la Garonne, PPL opte pour un psychédélisme suranné, le plaisir simple et ludique de triturer le manche de ses guitares dans une sorte d'improvisation continuelle. Advienne que pourra. Le nom du Velvet Underground pourrait aussi s'ajouter aux comparaisons bien que les toutes toutes premières notes de guitares de Everybody's Got A Number In The Neck m'ont fait penser à Polvo. Mais ça n'a pas duré. Le fameux En Attendant est revenu. Et en fait de solo, c'est de débauche dans les cordes qu'il s'agit. Ça passe déjà mieux. C'est pas le nirvana mais dans cette longue digression, il est possible de partir en transe. Ce qui ne m'arrive pas mais je pense aux plus faibles d'entre vous.
Et les excursions enfumées qui font perdre la tête, Portron and Co en ont plein la besace. Ça s'appelle Dinosaure, Sol Mammouth ou Leeloo (je ne connais pas cette dernière espèce), c'est plein d'électricité qui part en vrille, de courtes accélérations rock'n'rollesque (Lentilles), de gratouillis un brin mélancolique, d'un dialogue entre deux guitaristes qui ne sont pas frères pour rien, de trucs sans trop de queue et pas beaucoup de tête mais tant que ça sent la joie de vivre et l’insouciance avec un peu de crasse entre les pieds comme des hippies des campagnes, je ferme les yeux (et je me bouche le nez). Parfois je décroche mais le plus souvent je m'accroche. Allez savoir pourquoi cette soudaine poussée de courage. Mais il émane de ce disque entre amis qui font du bruit en toute décontraction dans leur coin un doux parfum d'abandon et de bienveillance.

SKX (20/11/2016)