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Peter Kernel
Thrill Addict – CD
On The Camper records 2015

Je fais les fonds de tiroirs. Et je racle bien dans les coins avec mes ongles. Les temps sont durs, et comme en ce moment je préfère acheter de l’alcool et de la drogue plutôt que des disques, je suis allé voir dans ma pile de galettes à chroniquer s’il n’y avait pas quelque chose de valable à balancer pour Perte & Fracas. C’est que le patron ne me paye pas non plus à rien foutre. La vie, c’est peut-être une question de choix mais c’est aussi une lutte perpétuelle contre les fins de mois difficiles. Bon, je ne vais pas te raconter ma vie plus que ça, elle n’est pas très palpitante non plus – par contre c’est promis : dès que je me serai remis au sport et aux jus de fruits bios je te ferai un petit signe mais je crois que tu vas pouvoir attendre encore longtemps – et ainsi j’ai jeté mon dévolu sur Thrill Addict, troisième album des Suisses de Peter Kernel, paru à la-mi janvier 2015. Il y a donc déjà plus d’une année. Mais on s’en fout parce que ce webzine n’a pas non plus pour vocation ultime de coller avec un acharnement total à l’actualité comme n’importe quel média sous MD, ou de prétendre à l’omniscience comme les socio-traitres de là haut qui s’agitent pour imposer leur vérité et gouvernent la populace en léchant consciencieusement le cul du patronat d’encore plus haut.

Peter Kernel c’est essentiellement Aris Bassetti (guitare, chant et moustache) et Barbara Lehnoff (basse, chant et crinière), accompagnés d’un batteur. Personne ne peut ignorer que ces deux là forment un beau couple et qu’ils ont un goût très prononcé pour la mise en scène de leurs activités musicales mais aussi extra musicales (vidéos et photos arty, über-présence sur F***Book, j’en passe et des meilleurs) et que leur problème à eux ce serait plutôt la faim de moi. Mais qu’importe, on est là uniquement pour causer musique. Et avec Peter Kernel on peut dire que l’on tient l’un des must en matière de pop noisy teintée d’étrangeté. Thrill Addict dépasse même très largement son pourtant très acclamé prédécesseur White Death Black Heart et sa collection de tubes irrésistibles. Des tubes, Thrill Addict en contient lui aussi un bon petit paquet – en fait il n’y a pas une seule composition que je n’aime pas sur ce foutu disque – mais ce troisième album est à la fois nettement plus sophistiqué et plus intimiste, voire introspectif (nous y revoilà).

La sophistication c’est celle de compositions moins basiques et plus abouties mais qui gardent toujours cet effet direct. Ecouter Peter Kernel c’est au choix avoir soudainement envie de chanter sous sa douche (Majectic Faya, Leaving For The Moon), sentir la nécessité de verser une petite larme d’émotion (Keep It Slow, Tears Don’t Fall In Space) ou, plus simplement, de taper du pied comme un gosse (High Fever). Thrill Addict est un disque souvent et profondément touchant, en fait. Et attachant. Même dans ses moments les plus classiques – ah ! bordel ! qu’est ce que je peux détester ce mot à la con… –, ces moments où l’on se dit quelque chose comme wow !… mais que surgit toujours au juste moment cette petite trouvaille, une touche d’électro par là, une partie chantée en contrepoint par ici, un peu de flutiot entre les deux, cette petite trouvaille donc qui dévie l’ensemble tout en lui garantissant sa pertinence et même sa cohérence émotionnelle. Et c’est au cœur de toutes ces trouvailles, pas très éloignées d’un véritable travail d’orfèvre, que nait l’intime poignant de la musique de Peter Kernel. Il y a incontestablement une forme de beauté inhérente et inévitable dans Thrill Addict. Au-delà de tout narcissisme.

Hazam (02/03/2016)