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Judas Donneger
Tu Viendras Si Tu Existes – LP
Et Mon Cul C'Est Du Tofu, Animal Biscuit, Les Éditions du Monstre, La Fermatozoïde, Attila Tralala, Tandori 2015


Poser un vinyle de Judas Donneger sur la platine, c'est consentir à la douleur, savoir à l'avance, quand vous connaissez les méfaits précédents, que ce n'est pas le genre de disque à écouter à n'importe quel moment. Les sujets de déprime, c'est pas ça qui manque. Pas la peine d'en rajouter. Vous éviterez aussi soigneusement de le passer pendant l'apéro avec les voisins ou pour l'anniversaire du petit, la vie va lui être assez dur comme ça. Judas Donneger, c'est un plaisir solitaire et masochiste. Pour la musique et encore plus pour les paroles. Un ensemble violemment malsain. Pas de censure. Tout est jeté à la figure. Débrouille toi avec ça. Mets moi tous tes doigts.

Le duo traînant entre Amiens et Metz continue d'appuyer là où ça fait mal. Brutalement minimaliste. Bruits visqueux de synthés déglingués, boite à rythmes maladive, guitare perçante, oscillations douloureuses balançant entre virulences martiales et stridences industrielles. Les chiens ne font pas des chiennes et les morsures sonores plantent les crocs d'une rage fatidique. Climat largement anxiogène, ça sent la mort à tous les étages. Six morceaux, six lambeaux errant dans un no man's land interdit. Vague froide, industrielle et bruitiste avec laquelle Judas Donneger arrive à construire un univers profondément aliénant. Jusqu'à l’écœurement. Une mécanique d'usine d'abattage, un truc qui rend dingue devant toute cette violence méthodique, à rendre fou sur J'suis Un Enfer, à s'arracher la peau sur autant d'intensité lancinante.

Mais la musique de Judas Donneger n'aurait pas ce relief sans les mots qui se cognent dessus. Et Judas Donneger semble avoir franchi un palier dans l'horreur. Le plus bel exemple - à supposer que l'adjectif bel puisse être utilisé dans de telles circonstances – est le morceau La Compote. Ou comment décrire de façon détaillée les ravages sur le corps humain quand un vieux se suicide en mettant le canon d'un fusil dans sa bouche. Il s'était crevé toute la tête. Le duo n'a peur de rien. Et avec un chant puissamment halluciné et un autre en mode hystérique, l'effet de cette charmante expertise médico-légale est garanti dans les chaumières. Une approche qui renvoie à la brutalité d'un Glu ou de La Mâchoire à une autre époque. Ça passe ou ça casse. La vie vue sous un autre angle et elle est pas belle à voir. Que ce soient les histoires d'amour contrariées (Coït Yourself) ou la difficulté d'avoir des relations sociales (Ouïe Déchirée). C'est sans concession, dérangeant et rebutant mais chaque mot interpelle. Et si ce deuxième album finit par un morceau se nommant Le Sourire, ce n'est pas synonyme d'espoir. Treize minutes participant à l'enfer, une longue descente en abîme de la part d'un groupe qui finalement ne cherche qu'un peu de chaleur humaine mais qui s'y prend très bizarrement. Les femmes, c'est comme les cigarettes, quand tu crois que tu les fumes, c'est elles qui te crame. Judas Donneger, une chouette musique pour passer une chouette soirée.

SKX (18/02/2016)