hebosagil
ektro


Hebosagil
Lothu – CD
Ektro 2016

Hebosagil sent le goudron, la pierre chaude, le fer. Après leur passage, les sapins ne sont plus aussi verts. J'en reprendrais bien au dessert. Lors de leur concert à Rennes le 6 juin 2015 en compagnie de Throat, on sentait bien que les Finlandais n'allaient plus gambader comme un cerf en rut dans les rues tangentes d'un noise-rock en folie et dure sur l'homme. Douceur apaisante de l'air brûlé. La période est au ralentissement des mœurs. Panser ses blessures. Poser un regard qui prend le temps de disséquer les tragédies. Hebosagil dilue la peur dans des plages à l'atmosphère puissamment pesante, pays de la délectation immense. II y tangue des minuits bleus comme un troublant calme, une longue nuit de gel qui se brise sur un sentiment de plénitude.
Depuis le premier album Colossal en 2008, Hebosagil n'a cessé de faire évoluer sa musique, fourbissant des armes de plus en plus affûtées et violentes. Monstrueusement flamboyantes sur Ura. Jusqu'à la politique de la terre brûlée sur Lähtö. Maintenant c'est Lohtu. Hebosagil sous un jour nouveau. Entre contre pied et évolution normale. Attendue. Ne pouvant aller plus loin dans la cruauté, les Finlandais dans la lucide instance se replièrent sur des contrées plus apaisées, sur les berges glissantes où lenteur, harmonie et longs passages instrumentaux ne sont plus de vilains gros mots. L'enveloppe reste massif. L'effet est submergeant. Les structures brûlent d'angles abruptes. Olekto Mun ? est une courte agression jouissive à l'ancienne. Et le chanteur en tigre pulmonaire marque définitivement son territoire.
Ça flambe toujours. C'est l'intensité de la lumière qui est différente. Se répand sur la longueur de répétitions hypnotiques. Brille dans l'éclat de guitares claires entre deux accords à la lourdeur sans nom. Hebosagil respire d'un souffle contrôlé. S'autorise de nombreuses détentes dangereusement et mélancoliquement planantes. Revêches sur les bords. Avec de brutales accélérations. Elles-mêmes stoppées dans leur élan suicidaire par un calme en suspension, une sourde tension à la fragrance métallique. L'approche avait de quoi désarçonner. Hebosagil qui fait passer le goût de la viande rouge. On croit rêver. C'est fait à leur manière, virile mais correcte, sans singer les adeptes nombreux avant eux à transformer leur hardcore-noise d'un carnaval blasé en une bête plus humaine, se rapprochant ainsi dans la démarche du dernier Kowloon Walled City. L'air de là-haut est différent, le recul nécessaire. Un entre-deux unique d'un groupe qui a su personnaliser sa musique, la faire constamment évoluer sans perdre une once d'intérêt.

SKX (23/04/2016)