e
thrilljockey


E
s/t – LP
Thrill Jockey 2016


Un premier single avait jeté en pâture une lettre énigmatique. Derrière ce nom le plus court de l'histoire du rock se cachaient pourtant des artistes (re)connus que cet album éclaire d'un jour nouveau. Thalia Zedek n'est pas une débutante, loin de là (Thalia Zedek Band, Come, Live Skull, et même Uzi, voir carrément Dangerous Birds) mais elle arrive sans cesse à se renouveler, à écrire une nouvelle page de sa riche carrière en maintenant un niveau d'intérêt considérable là où d'autres auraient pu s'endormir sur leurs lauriers.
Cependant, E n'est pas que le groupe de Zedek. Ses deux acolytes font partie intégrante du processus de composition, chantent, participent à parts égales et forment une unité très cohérente. Jason Sanford (Neptune) est à la seconde guitare qui n'est pas baryton mais œuvre dans des sonorités plus basses avec des effets dont lui seul a le secret, habitué qu'il est à sculpter ses propres guitares et bidouiller ses propres pédales d'effets. Le troisième larron se nomme Gavin McCarthy, batteur de feu-Karate, un groupe qui ne m'a jamais renversé, voir que je n'ai jamais pu encadrer, et succède à Alec Tisdale présent sur le 45 tours. D'ailleurs, les deux morceaux du single, I Want To Feel Good et Great Light, se retrouvent sur l'album mais dans des versions légèrement différentes. Le geek qui sommeille en moi peut pousser un ouf de soulagement. Ce single garde une once d'intérêt.

Ces trois là offrent donc dix titres marquants, somme de trois personnalités au parcours musical très différent aboutissant à un style unique. Unique sans être spécialement original mais suffisamment pour être en peine de glisser cet album dans une case bien pratique. Parlons d'un rock aussi rugueux que chaleureux, intimiste et abrasif, la rencontre de deux guitaristes avec de l'or dans les doigts pour accoucher de riffs qui sont tout sauf anodins, une interaction entre deux guitaristes construite comme un véritable dialogue dans lequel s'invite régulièrement un batteur très en verve (le plus bel exemple se nomme Delicate Fingers), des lignes de guitares tour à tour décharnées, triturées, flamboyantes, trépidantes, aussi complémentaires que sont les deux chants de Zedek et Sanford. Et même le batteur s'y met sur Candidate, morceau le plus virulent avec McCarthy qui met toute l'intensité requise pour crier I Could Be The President. Dix morceaux avec de l'espace dedans, très peu d'effets finalement, à tel point que ça peut parfois paraître sec, sans strictement aucun arrangement. Ce que vous entendez sur l'enregistrement est ce qui sort des amplis et c'est ce qui donne cette touche particulière, cette musique froide ou aride d'extérieure mais parcourue d'une intense électricité mettant les mélodies en vibration, portée par la voix troublante et touchante de Zedek, contrebalancée par le timbre grave de Sanford (qui chevrote bizarrement sur Water). Pas d’esbroufe chez E. Tout à la force du poignet avec un surplus de beauté et une quantité insolente de talent. Un grand disque tout simplement.

SKX (20/12/2016)