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Zu
+ Eugene S. Robinson
The Left Hand Path LP
Trost 2014
Associer
les concasseurs de tympans de Zu et Eugene S. Robinson, l'extraverti et
menaçant chanteur d'Oxbow, c'était l'assurance d'un feu
d'artifice où la fusée, ce serait toi et la belle bleue,
les restes de ton pauvre petit corps éclaté aux quatre coins
d'un terrain parsemé de pieux. Manque de bol, l'explosion est une
tragédie au ralenti, une très longue et très lente
chute dans les tréfonds de l'obscurité et le terrain est
une immense étendue où ne circule qu'un vent glauque, un
relief minimaliste, le squelette d'un blues dronique rongé jusqu'à
l'os, une vieille incantation maléfique.
A la base, cela devait être la musique d'un film d'horreur. Les
Italiens de Zu se sont exécutés. Et ils ont tellement mis
de cur (noir) à l'ouvrage que le réalisateur a pris
peur, trouvant la musique trop effrayante. Zu a récupéré
les bandes, a eu l'idée de proposer à Eugene Robinson d'ajouter
son instrument vocal très personnel et The Left Hand Path
(titre qui fera frémir de bonheur les fans de death-metal puisque
c'était le nom du premier album des suédois d'Entombed)
naissait comme un bâtard dont personne n'avait voulu.
Cette nouvelle collaboration d'Eugene Robinson en rappelle surtout une
autre, celle avec Jamie Stewart de Xiu Xiu pour l'album Sal
Mineo. Une musique à laquelle il ne manque plus que l'image,
une musique cinématographique (et pour le coup, c'était
vraiment le cas au départ) mais une musique qui arrive à
s'en affranchir au fil des écoutes, à se créer son
propre univers. Une suite de vignettes sonores qui mise bout à
bout forme un film sonore cohérent. Je ne vais pas vous faire le
coup du disque à écouter fort et dans le noir mais il se
pourrait qu'une sourde et belle puissance s'en dégage, fasse vibrer
votre épiderme pour venir à bout de vos a priori. Dix-neuf
morceaux assez courts où Zu ne fait donc pas du Zu. Pas de rythmes
tarabiscotés et de joutes free-noise-jazz sauvages comme sur le
dernier
album en date (ou le tout nouveau Cortar Todo). D'ailleurs, point
de batterie mais des bruits électroniques, des samples retors et
des sons d'épouvante, des synthés funèbres, de la
beauté glaçante, mélodies sépulcrales en équilibre,
Massimo Pupillo qui délaisse sa basse pour une guitare crispante,
des arpèges lugubres ou pour expérimenter dans les cordes
acoustiques. Un bruit de pelle qui creuse sa tombe sur le titre d'ouverture
Waiter Waited, le violoncelle de Luca Tilli sur In The Corner,
Of The Corner Apartment ou Near To Sleep pour une touche de
musique contemporaine, des fréquences aiguës contre des sonorités
profondes et tout le poids du monde dans des ambiances de fin de règne,
quand plus rien ne bouge à la surface.
Du pain béni pour Robinson qui peut narrer de sa façon unique
ses cauchemars et ses névroses. Dédoublement de voix, pleurs,
gémissements, chevrotements, respiration affolée, cris étouffés,
lignes de chant qui ne vont pas tarder à se casser la gueule et
ce grain inimitable pour vous faire plonger avec lui dans les méandres
de son cerveau malade.
Ce disque ne s'écoute pas tous les jours, il faut choisir son heure,
éviter de faire la vaisselle en même temps, s'isoler, prendre
sa plus belle panoplie de névrosé et se laisser envahir
par cette musique singulière qui vous fera voir la nuit encore
un peu plus noire.
SKX (10/03/2015)
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