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Zu
Cortar Todo – LP
Ipecac 2015


La machine Zu a bien failli capoter pour de bon en 2009. C'était juste après l'album Carboniferous. A l'échelle de Zu, un album en forme de consécration, trouvant avec ce disque, dixit Massimo Pupillo le bassiste du trio italien, une formule qui aurait pu leur faciliter la vie. Comprenez, ouvrir encore plus grand les portes de la consécration en se contentant de répéter la formule qui leur avait valu un certain succès. Et c'est à ce moment là que Zu a décidé de faire un break. Un long break de six ans (cinq si on compte la maxi annonciateur Goodbye Civilization publié l'année dernière sur La Tempesta International et Trost records et l'album avec Eugene S. Robinson) en forme de totale remise en question.
Départ de Rome pour Pupillo, aménagement définitif au Pérou après un passage au Tibet. Ça sent le retour à Mère Nature et aux vraies valeurs de la vie qu'elle est trop pourrie dans le monde moderne. Vous la sentez aussi la pointe de sarcasme ? C'est moche de se moquer. Car Pupillo et son compère Luca Mai au saxophone baryton ont toujours été passionnés par les cultures chamaniques (ça se sentait déjà chez Mombu, l'autre projet de Mai) et Pupillo a franchi le cap, larguant toutes les amarres pour se consacrer à l'étude de... euh comment dire... une nouvelle façon d’appréhender son moi intérieur au fin fond du Pérou.
Cinq ans plus tard, il en résulte un nouveau Zu. Changement de personnel déjà avec l'arrivée du batteur américain Gabe Serbian (ex-The Locust) à la place de Jacopo Battaglia. Et surtout, nouvelle façon d'appréhender le monde sauvage de Zu. Ce n'est pas pour rien que l'album s'appelle Cortar Todo, de l'espagnol pouvant se traduire en gros par Tout Couper. Revenir à plus de simplicité, se débarrasser des fioritures sur des morceaux qui partaient dans tous les sens, se concentrer sur les sonorités et son pouvoir évocateur. Zu n'a pas pourtant rien perdu de sa force, de l'impressionnante puissance et lourdeur de sa basse mais c'est avant tout une histoire de sons, d'ambiances, plus que de démonstration à qui c'est le plus fort à faire des trucs de dingues avec ses dix doigts. Et de pression continuelle que le trio vous assène. Des morceaux plus directs, fonçant droit dans le tas d'une virulence ne prenant plus de chemins détournés, des montées en tension qui mettent en transe comme sur les six minutes de A Sky Burial, ruade magistrale ne montrant pas les muscles, seulement les nerfs et un soupçon d'une sincérité retrouvée. Ou le titre Cortar Todo, synonyme de motifs répétitifs et percutants dont on ne pensait pas Zu capable.
Le trio italo-américain multiplie également les fields recordings ou les samples, parsemant ainsi Cortar Todo de pauses ambiantes se rapprochant parfois du drone pour dessiner les contours d'un album plus digeste et ésotérique, les incluant parfaitement aux morceaux pour faire corps comme sur le très beau et mystérieux Conflict Acceleration s'achevant effectivement dans une accélération constante et mortelle. Rejoindre la parole aux gestes, se retrouver en accord. C'est Mère Nature qui va être contente.
Par contre, Zu n'a pas perdu l'habitude d'inviter de nombreux autres musiciens comme Joey Karam, ex-The Locust aussi, aux synthés sur Rudra Dances Over Burning Rome, morceau au groove free-noise imparable ou Stefano Pilia (qui accompagne souvent Mike Watt et David Grubbs) à la guitare sur trois morceaux. Et le Maître chamanique Gilberto Mahua Ochavano pour quelques incantations sur le dernier titre Pantokrator, un titre de chanson qui prête le flanc à la rigolade mais qui est tout simplement une porte de sortie magnifique. Ligne de basse d'un autre monde et sourde et sombre atmosphère qui s'en dégage avant de finir dans les affres d'un long bruit strident puis les gazouillis reposants de la forêt amazonienne.
Je n'attendais pas grand chose de ce nouvel album de Zu. Je me retrouve avec un album inattendu, plus humain, du Zu mais différent, leur ouvrant de multiples portes réelles ou non sur des nouvelles perceptions. Rebienvenue dans le monde moderne.

SKX (24/06/2015)

P.S. : données biographiques tirées de l'interview de ATTN Magazine.