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Joie De Vivre – CD
self-released 2014

Je ne sais pas pourquoi il a fallu autant de temps pour chroniquer ce disque qui traîne depuis pratiquement un an dans la pile. La faute sans doute à une musique qui ne t'explose pas à la tronche dès la première écoute, ne brillant pas de mille feux dans la nuit surchargée d'actualités, ne possédant pas un caractère ressortant singulièrement du lot. Joie De Vivre est un titre franchement ironique tant cet album est ramassé sur lui, chargé de sombres scories, compact, marche douloureuse vers l'échafaud plutôt que vers un fol espoir. Il a bien failli passé à l'as.
Et pourtant ce disque est là, ne demandant qu'à être cueilli une fois semées les graines de compositions ne cessant de grandir en toi. Vegg évoque un autre groupe parisien comme eux, Revok, sans autant de complexités et de chaos mais dans cette façon rampante d'avancer, ce rouleau-compresseur finissant par laminer les résistances et faire jaillir la noire beauté de mélodies qui ne demandaient qu'à se dévoiler. Et là, c'est quand même pas mal de bonheur.
Des morceaux puissamment haletant, du mid-tempo appuyé aux accents parfois quasi lyriques mais sans esbroufe, portés à bout de souffle par une voix comme je les aime, éraillée, cassée, parfois à la limite de la rupture, donnant un grain particulièrement vibrant. Chaque morceau apporte une pierre supplémentaire à un album construisant patiemment son édifice ténébreux, aux murs épais et laissant passer de multiples raies de lumière. Les détails font jour. Une guitare aux faux-airs hispanisant sur un passage de The Patriarch. Le rythme tribal sur l'excellent The Hero, titre le plus immédiatement prenant. Les sonorités chaleureuses et granuleuses des guitares comme si les amplis étaient dans ton dos. Le jeu, la complémentarité et l'inspiration de ces deux mêmes guitares. Et cette faculté à sortir de la boue des compos ne semblant pas parties pour le faire mais qui prennent leur temps pour prendre de la hauteur, vous choper par les tripes (et un peu le cœur aussi) et ne plus vous lâcher, sauf conquis et hébété, à l'instar du dernier titre The Loner et ses sept minutes dont la longue montée émotionnelle et sa mélodie s'illuminant peu à peu sont un formidable révélateur du pouvoir de séduction de Vegg. Joie De Vivre a fini par avoir ma peau et il est vivement conseillé de s'attarder sur ce disque se révélant un grand moment de rock dur, sombre et poignant.

SKX (04/12/2015)