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Tuscaloosa
Comme Une Guerre Froide – CD
Mediapop 2015

Tuscaloosa n'est pas arrivé ici par hasard. La filiation s'appelle Garbage Collector. Un nom qui ne vous évoque sans doute rien de plus que Tuscaloosa. Des secrets bien gardés, des projets abandonnés, différés, aucune intention d’apparaître et de se sacrifier à la lumière du jour puis reprendre le fil de l'histoire et concrétiser des idées entassées. Du coté de Longwy et Nancy, à la fin des années 80, Garbage Collector avait joué les précurseurs de la noise française. On vous avait dit toute la pertinence de ce groupe huit ans plus tôt. C'était même possible d'écouter leurs introuvables disques. Et de lire leurs propos, de longues années après leur dernier souffle. De cette époque, seul Franck Dupont a continué de martyriser les cordes, toutes les cordes, de sa guitare, sa basse ou vocales. Tuscaloosa avait vu le jour en 1996, avait sorti un disque sur Lithium records qui n'allait pas tarder à mettre la clef sous la porte. Tout comme Tuscaloosa. Mais les clefs, Tuscaloosa les a retrouvées. Ou plus exactement, ne les a jamais perdues de vue. Elles vibraient régulièrement, de plus en plus, n'attendant que le bon moment pour ressurgir. Un travail au long cours qui prend forme enfin avec le premier album Comme Une Guerre Froide.

Garbage Collector reste tapi dans l'ombre. Dans une version plus tempérée et enrichie. Mais certaines intonations, les ondes électriques parcourant Comme Une Guerre Froide rappellent une tension passée, un sentiment à fleur de peau qui désormais n'explose plus que très rarement, préférant des dissonances sombres et pures, une urgence sourde, les méandres mélancoliques de mélodies sinueuses brillant d'une infinie classe. Et avec un invité (Antoine Arlot) au saxophone sur cinq titres pour rehausser la texture mélodique ou apporter une touche de free et de folie particulièrement palpable sur la dernière partie des neuf minutes du dernier morceau qui a donné son nom au disque.
Mais Comme Une Guerre Froide s'écoute également en dehors du prisme de Garbage Collector dont j'ai eu du mal à me détacher. On ne se refait pas facilement.
La poésie du quotidien, observateur des tourments modernes, du chant en français pourrait aussi rapprocher Tuscaloosa de groupes comme Ulan Bator ou L'Enfance Rouge, portée par une voix fragile qui semble se briser au milieu d'une phrase, manquer de souffle, parfois d'une tonalité étrange, soulignant l'incertitude sur fond d'électricité crépitante. La multitude de détails rythmiques font la richesse de cet album, au même titre que les entrelacs des deux guitares, allant d'un morceau doucement hypnotique comme Mistaken (seul titre en anglais) au plus nerveux Agitprop. Toute la finesse d'une musique tour à tour envoûtante, dérangeante, délicate, inquiétante ou aérienne. Tuscaloosa redéfinit sa propre lecture d'un rock à la française, loin des facilités et de toutes influences évidentes. Le temps joue en leur faveur, leur musique diffuse peu à peu son venin et Comme Une Guerre Froide, disque hors des modes, réchauffe les sens de sa vision singulière.

SKX (16/12/2015)