spraypaint
homeless





Spray Paint
Punters On A Barge – LP
Homeless 2015


Vous commencez à connaître la rengaine. Spray Paint aligne les disques comme d'autres multiplient les pains, sans faire de miracle mais avec une foi indécrottable et un mimétisme indéfectible. Quatrième album en deux ans, Punters On A Barge a beau feinter en tournant en 45 tours, c'est un album de Spray Paint, pas d'erreur possible sur la marchandise. Le cahier des charges post-punk est dûment rempli. Wire qui ne traîne jamais très loin, tout comme The Fall. Lisez les chroniques précédentes, une partie du travail est déjà fait.
Et pourtant, ce nouvel album du trio d'Austin est légèrement différent. Un subtil changement, quelque chose d'indéfinissable flottant dans l'air qui fait que Spray Paint, c'est un peu toujours pareil mais c'est toujours meilleure que la dernière fois. Et pour le coup, c'est vraiment vrai. Le post-punk du trio se décale habilement vers des terrains plus noise et chaotique, les deux guitares résonnent plus durement, barres de fer électrifiées, métal vibrant et hurlant en silence, ne dessinant pas des mélodies attirantes comme les groupes post-punk actuels mais glissant à leur manière vers un esthétisme no-wave dans une dissonance creuse. Rythmes robotiques tapant également plus durement, plus méchamment, détachement du chant, sarcasmes froids, Spray Paint possède l'art du trouble, connaît ses fondamentaux et approfondit la face sombre de sa personnalité. Le plus bel exemple de cette lente évolution est le fantastique morceau Day Of The Rope. Cinq minutes (un exploit déjà pour Spray Paint mais qui tend à se renouveler de plus en plus notamment sur ce disque où la durée prolongée des morceaux est synonyme de plaisir augmenté). Une boite à rythmes semble avoir remplacée la batterie ou alors les deux sont couplées pour un groove infectieux et saisissant, synthé funeste, discret mais essentiel, refrain ravageur, répétition jusqu'à l'hypnose, ça commence comme du Suicide et ça finit par être leur meilleur morceau de leur répertoire à ce jour. Au bout de la corde tu te balanceras. Idem pour Middle Relief, bon comme du Bailter Space cuisant sous le cagnard avec cette monotonie flippante, cette mélodie à deux doigts envoûtante ou I Hate Your Paintings, tout en crispation électrique et abstraction cauchemardesque avec des sonorités abruptes tombant au hasard.
Et si en fait, la plus grosse différence avec les albums précédents est que les compositions sont meilleures que jamais. Tout simplement. Parce que je pourrais vous en citer plein d'autres, voir l'album en entier (excepté une ou deux titres qui sentent plus la routine, c'est à dire les deux premiers de l'album mais rien de rédhibitoire). Des morceaux qui écorchent les sens comme les interventions bruitistes sur Soiled, le sèchement entraînant Polar Beer ou Lower, With Respect prouvant que Spray Paint est passé maître pour résoudre les équations de l'impossible froideur/chaleur, autant atonal que vivifiant avec toute la morgue nécessaire. Spray Paint arrive même à faire penser à Big Black avec ses guitares qui font kling et klang, ce rythme martial (Yoopy D.B.) et l'impression qu'ils vous regardent droit dans les yeux sans éprouver la moindre émotion. Mais la notre est à son comble et Spray Paint signe son album le plus convaincant, haut la main, celui où toutes leurs influences sont transpercées et sublimées. Grand disque.

SKX (29/06/2015)