goodbyediana
head








Goodbye Diana
s/t – 2xLPs
Head 2015

On a bien cru à un au revoir définitif mais Goodbye Diana respire encore. Sept longues années de silence, un membre en moins et le désormais trio montpelliérain revient avec un troisième album qu'on attendait pas. Sept années qui ne voient pas pour autant leur credo changé. Du rock instrumental, un peu noise, un peu math, un peu post-rock, un peu tout et rien à la fois, de ce genre de musique qui ne frappe pas d'entrée les esprits, non seulement parce qu'un paquet de groupes gravite dans ce style depuis une bonne décennie mais aussi parce que la musique de Goodbye Diana n'a jamais sorti les biceps pour impressionner, ne donne pas dans la surenchère pour péter plus fort que le voisin ou plus bizarre pour être original à tout prix.
Avec ce nouvel album, double en vinyle, Goodbye Diana ne révolutionne donc toujours rien et surtout pas leur savoir-faire, même avec une guitare en moins. Et ils s'en tapent. Et nous avec. Parce que toute la force de ce disque réside dans l'art de faire passer le frisson dans des compositions aux petits oignons. Tout en gardant l'haleine fraîche. Le trio a augmenté son crédit qualitatif. Les morceaux sont globalement rallongés, plus travaillés, plus aboutis. Une guitare en moins et c'est de l'espace en plus, mis à profit pour souligner les brillantes lignes de basse, les structures gagnent en fluidité, voir en légèreté, celle qui fait élever les morceaux vers des sphères classieuses et enivrantes.
Une douce et tranquille ivresse capturée à merveille par Serge Morattel, lui donnant les contours adéquats et la densité nécessaire pour que les morceaux expriment toutes leurs richesses. Car ces compositions regorgent de trouvailles qui s'épanouissent peu à peu, de subtilités qui font tout le sel de cet album. Tu penses partir pour des complexités à n'en plus finir et tu finirais presque à siffloter sur certains titres. Tout coule de source, s'articule sans forcer. Batterie, guitare et basse parlent le même langage, ne font plus qu'un. Un break plein de belle mélancolie (et des comme ça avec des arpèges spleenesques qui font léviter, plusieurs il y en a) sur Yvon De Chalon. Le début tout en répétition de Le Chat Noir qui ne porte pas malheur à une compo habilement évolutive. Gégé (28) qui titube sur un petit break de valse à la batterie alors que Poilus (72) ne défriserait pas au champ d'honneur d'un June of 44. Quant à Robert Fripp en Cagoule (comme tous les groupes sans parole, Goodbye Diana aime donner des noms divinement cons à ses morceaux – Herbert d'Autoroute est pas mal dans le genre), ce sont cinq minutes très changeantes, entre un début psychédéliquement noise, reverb des grands espaces et riffs inspirés d'une guitare moins prise de tête qu'un King Crimson. Nervosité racée, attaques moins frontales que par le passé, Goodbye Diana garde le meilleur pour la fin. Une face D synonyme d'un Alan Biquet aux sombres accords prenants et une mélodie rappelant Come et les douze minutes grandioses de Chuck Norris is Fucked. Guitare là encore touchée par les éclairs, mélodie qui vous retourne et vous emmène très haut, élégance et précision rythmique se terminant dans une lente et sourde chute mi-bruitiste mi-onirique avec les Abel's Bells (plus sa voix), du nom du boss de Head records, qui ne s'est pas fait sonner les cloches longtemps pour sortir un album remarquable.
Comme Ventura, Goodbye Diana pratique l'idée d'un rock puisant sa source dans les années 90 pour en faire quelque chose d'intemporel, classique et indémodable car concocté grâce à une écriture au-dessus de la moyenne et des idées à la pelle emmagasinées au bout de sept années qui ont bien fait de les voir revenir sur le devant de la scène.

SKX (29/04/2015)